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Petits écrits de la Main Gauche
Informations aux lecteurs

Samedi 18 novembre 2023 :

PUBLICATION DU TOME 1 DE CAUGHT IN THE MIDDLE LE 18 NOVEMBRE 2023
Pour s'y retrouver avant la lecture : Avant-Propos The Legend Of Zelda

- Caught in the Middle (fanfiction du jeu Zelda Breath of the Wild) =>
T2 achevé ; T3 en cours d'écriture.

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24 mars 2015

C'est moi, Julia - Chapitre 10

Mon réveil sonnait alors que j’étais déjà sous la douche, ayant abandonné mon lit après un énième réveil incohérent. Je partis travailler tel un robot, sentant grossir une boule de stress au fond de ma gorge au fil des heures.

Midi sonnait que je n’avais réussi qu’à flâner dans les bureaux sans jamais rien finir de ce que je commençais. Dépitée par ce constat pitoyable, je me levais et partis en direction de mon point de rendez-vous avec Morgane en essayant de garder l’esprit vide.

Je me garai à proximité du restaurant où nous devions nous retrouver, et espérais ne pas être la première. Je me voyais déjà assise à une table, patientant, jusqu’à me résigner à manger seule en avouant au serveur m’être fait poser un lapin.

Je me dirigeai vers l’entrée en sentant mon cœur battre à tout rompre. Je savais déjà qu’elle ne s’y trouverait pas. C’était évident à mes yeux.

A peine avais-je ouvert la porte que ceux-ci se posèrent sur une petite table au fond de la salle, faisant exploser la joie dans toutes mes veines. 

Elle était assise, là, déchirant en petits morceaux une serviette blanche. Malgré moi, un sourire se forma sur mon visage devant cette scène.

Je m’approchai silencieusement, profitant de ce moment pour la déshabiller du regard, sachant que je ne pourrai plus le faire en toute impunité par la suite au risque de la mettre mal à l’aise. Elle était vêtue du même jean noir et des mêmes bottines, avec un haut décolleté blanc et une veste de tailleur noire. Un style légèrement décontracté qu’elle parvenait à porter avec une élégance folle. Arrivée à sa hauteur, elle ne m’avait toujours pas vue.

_ Bonjour, vous attendez quelqu’un mademoiselle ? énonçais-je dans un sourire.

Elle releva vivement la tête et je vis le soulagement apparaitre sur son visage de nacre.

_ Je me voyais déjà manger seule. Je n’étais pas sûre que vous veniez.

Je m’assis en face d’elle et secouai la tête en signe de dénégation.

_ Reprenons du début. Déjà, ce n’est pas « vous », mais « tu ». Sinon on ne va jamais y arriver. Ensuite, tout ce qui a précédé le moment où j’ai passé la porte de ce restaurant est oublié.

Elle me regarda fixement. Ces yeux… A peine avais-je prononcé ces mots que je n’y croyais plus. Si elle continuait à me fixer ainsi, j’allais me transformer en véritable guimauve. Puis elle baissa la tête vers son verre déjà rempli d’eau qu’elle fit tourner sur place, avec une expression de gêne sur le visage.

_ Vraiment tout ce qui s’est passé ?

Je sus intuitivement de quel moment elle voulait parler. Ses lèvres collées aux miennes, ses mains brûlant ma peau, son corps contre le mien, les frissons qui parcouraient mon dos, la fièvre qui l’habitait… Je tressaillis et m’obligeai à abandonner tous ces souvenirs, tout du moins pour le moment.

Je pris son menton pour la énième fois depuis que je l’avais connue, leva son visage vers moi et planta mon regard dans le sien.

_ Tous, sans exception.

Silence. Un petit sourire s’esquissa sur ses lèvres tandis que je la lâchais.

_ Pourquoi tu souris ?

_ Je me demandais pourquoi vous… tu faisais toujours ça.

_ De quoi ?

_ Me prendre le menton et me regarder droit dans les yeux.

Je haussai les épaules.

_ J’estime que c’est le meilleur moyen d’assurer les gens de ma sincérité.

Je posai mon regard le plus sérieux sur elle, afin d’appuyer le sens de mes paroles. 

_ Et il m’est très important que toi, tu me crois sincère.

Elle pencha légèrement la tête et plissa ses yeux dirigés sur moi. Je ne compris pas tout de suite ce que signifiait cette posture.

_ Je n’en ai jamais douté, murmura-t-elle d’un air songeur.

Ce fut à ce moment-là que le serveur apparut en nous tendant les menus, brisant cet étrange instant.

Par la suite, nous passâmes un très agréable moment, plein de légèreté. Nous abordâmes des sujets divers et variés, assez bateaux, aucun n’empiétant sur la sphère personnelle. Tel était notre pacte tacite, sachant toutes deux que ce n’était pas encore le moment.

Le tutoiement était de rigueur et après quelques échappées, elle ne fit plus d’écart, semblant s’en accommoder. Jamais je n’aurais pu penser que le simple fait que quelqu’un me dise « tu » avec naturel puisse signifier autant pour moi.

Nous nous quittâmes en nous saluant vaguement au loin. Ce fut un moment plein de gêne qui me laissait un goût amer dans la bouche. Je pris note de surveiller son comportement sur ce point à chacune de nos retrouvailles, signe certain d’un rapprochement de sa part.

Nous nous revîmes en moyenne deux fois par semaine dans les mois qui suivirent, mais jamais les mêmes jours, son emploi du temps étant trop variable. Au fil de nos rencontres, je la vis se détendre, devenir de plus en plus naturelle. Elle riait souvent et la première fois que je l’entendis, je sentis mon cœur fondre. Les sourires et toutes les preuves de joie assez communes qu’elle pouvait manifester étaient devenus des moments particuliers pour moi tant je les appréciais.

Nos discussions restaient légères mais nous trouvions toujours un sujet sur lequel échanger. Le silence était rarement de rigueur et nous étions aussi bavardes l’une et l’autre. Plus je découvrais sa véritable personnalité plus je désirais cette femme. Elle était pleine de vie, elle voulait croquer dedans à pleines dents mais quelque chose la retenait, et j’en ignorais toujours la raison. Cultivée, j’apprenais énormément de choses avec elle, buvant ses paroles comme du petit lait. Nous avions évolué dans des sphères si différentes que nous nous apportions mutuellement beaucoup. Nos opinions étaient rarement identiques mais étant l’une et l’autre à l’écoute de chacune, nos débats étaient vifs et passionnés.

A aucun moment Morgane ne me donna accès à sa vie, à son quotidien. Elle parlait beaucoup de son travail, nous en rions beaucoup, car elle croisait également beaucoup de situations loufoques. Mais jamais elle n’aborda sa famille, ou ses amis. Et les rares fois où je tentai d’aborder la question, elle me répondait soit par un pâle sourire avant de changer de sujet, soit avec le ton glacial dont elle savait si bien se vêtir.

Au mois d’Avril, je ne désirais plus seulement son corps, je désirais nos discussions et son esprit tout autant. J’étais totalement éprise d’elle, elle avait planté ses griffes au plus profond de mon âme et je ne souhaitais surtout pas m’en libérer.

Ce mois-là, notre relation commença à évoluer, mais pas comme je l’aurais souhaité. Ce fut la force des choses qui la poussa à se révéler un peu plus, et non son désir de me faire partager sa vie.

Un soir, vers dix-huit heures, elle m’appela sur mon portable. Nous nous étions transmis nos numéros personnels depuis quelques temps maintenant, mais nos échanges s’étaient tenus aux informations en lien avec nos rendez-vous, bien que l’envie de profiter de ce biais ne m’ait sérieusement brulé. Ce fut pour cela que je m’étonnai de voir son nom apparaitre sur mon écran.

_ Morgane ? fis-je, interloquée.

_ Je ne te dérange pas ?

_ Heu non… Pourquoi ?

_ J’aurai un service à te demander…

J’entendais une certaine tension dans le son de sa voix et m’en inquiétai. Cette situation inédite n’arrangeait rien.

_ Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu vas bien ?

_ Oui oui, rassure-toi. C’est juste que je viens de tomber en panne en revenant d’une visite et je suis coincée sur le bord de la route.

_ Oh, tu veux que je vienne te chercher ?

_ Non, merci, je dois attendre la dépanneuse. Par contre je devais aller chercher ma nièce à la garderie et je ne serais jamais là à temps.

Je sentais le coup venir et c'était très loin de m’enchanter.

_ Et personne ne peut aller la chercher à ta place ?

_ Non.

Il y eut un moment de silence, pendant lequel je demeurai indécise. Elle n’avait jamais reparlé de cet enfant depuis la fois où je lui avais demandé de qui il s’agissait. Et j’étais loin, mais très loin, d’être à l’aise avec une petite fille.

_ S’il te plait, reprit-elle, je ne te le demanderais pas si j’avais une autre solution. Tu es la seule personne en qui j’ai assez confiance.

Son ton suppliant et ses dernières paroles me firent capituler. Cette femme avait bien trop de pouvoir sur moi pour que je puisse lui refuser quoique ce soit.

_ Très bien, fis-je en soupirant. Elle est à quelle école ?

_ Merci beaucoup Julia, je te le revaudrais au centuple. Elle s’appelle Amélie Jusrand et tu as de quoi noter pour l’école ?

Je saisis un papier et un stylo tandis qu’elle me fournissait les coordonnées.

_ D’accord, et ton adresse ?

Elle eut un moment d’hésitation.

_ Ça te dérange pas de la ramener chez toi plutôt ?

_ Pas en soi, mais mets-toi à la place d’une petite fille qui se fait ramener par une inconnue pour l’emmener dans un lieu tout aussi inconnu. Et je n’ai rien pour occuper une gamine ici.

_ Elle a des jeux avec elle, les plus importants. Et tu peux pas rentrer chez moi, t’as pas les clés.

Je soupirai, résignée. J’espérais pourtant profiter de l’occasion pour mettre un pied dans sa vie mais la réalité s’imposait à moi.

_ D’accord, je te dis quand je l’ai récupérée.

Une fois raccroché, je pris mes affaires et sauta dans ma voiture. Je me retrouvai donc à passer la soirée avec une enfant qui m’était inconnue, moi qui ne savais jamais quoi en faire.

J’étais irrémédiablement soumise au joug de Morgane, et il m’était impossible de m’en détacher. En imaginant que je le voulais.

Quelques minutes plus tard, je stationnai devant l’école en grommelant. J’allais chercher une enfant qui m’était inconnue, pour rendre service à une femme qui m’avait à peine mentionné son existence. J’étais complètement folle.

Je continuais vainement à maugréer contre la situation dans laquelle je m’étais empêtrée alors que je franchissais le portail de la garderie. Arrivée dans la salle, je vis une dame âgée d’une quarantaine d’années qui rassurait une petite fille blonde en pleurs. Bien que l’ayant reconnue d’après mes souvenirs, je parcourus toute la pièce désespérément vide du regard avant de me résigner. Non seulement je devais m’occuper d’une enfant, mais en plus c’était une petite fille en larmes. Ce qui était exactement dans mes cordes, bien entendu.  

Je m’approchai, hésitante :

_ Bonjour, je suis Julia Lavoisière. Morgane Perrière a dû vous prévenir que je venais chercher la petite Amélie à sa place.

La femme se redressa et me toisa de haut en bas. Mais ce n’était pas elle qui me dérangeait le plus. Les sanglots de la petite fille s’étaient brusquement arrêtés et elles me fixaient de ses yeux trop grands pour son petit visage. Des yeux extrêmement similaires à ceux de sa tante… J’avais le sentiment qu’elle réfléchissait à ce qu’elle devait faire : devait-elle se mettre à se rouler par terre pour ne pas venir avec moi ou accepter la situation ?

L’adulte interrompit le cours de mes pensées en m’adressant la parole :

_ Oui, elle m’en a averti. Puis-je voir les papiers de votre véhicule s’il vous plait ?

_ Pardon ?

Je restai stupéfaite devant la requête, ne comprenant pas le lien entre ma voiture et la nièce de Morgane.

_ Mlle Perrière m’a indiqué le numéro de votre plaque d’immatriculation, la marque de votre véhicule ainsi que vos noms, prénoms et date et lieu de naissance pour que je m’assure de votre identité.

_ Autant de renseignements ?

_ Nous n’aimons pas laisser les enfants que nous gardons à des inconnus, répliqua-t-elle sèchement.

Je lui tendis les papiers, éberluée. Je ne savais pas si c’était la requête de la femme pète-sec en face de moi qui me surprenait le plus ou le fait que Morgane connaissait tous ces éléments par cœur. Mon nom et prénom, c’était évident. La marque de ma voiture, c’était compréhensible si elle avait une bonne mémoire. Mais ma plaque d’immatriculation et mes date et lieu de naissance…

La femme acquiesça en comparant mes papiers aux informations qu’elle avait griffonnés sur une feuille volante. Après qu’elle m’ait assuré que j’avais bien montré patte blanche, je m’accroupis devant la petite fille :

_ Bonjour Amélie, je suis Julia. Je suis désolée que personne de ta famille n’ait pu venir te chercher. Je vais t’amener chez moi et on attendra que ta tante arrive, d’accord ?

Elle me toisa un instant, puis acquiesça faiblement et partit ranger ses affaires. Je m’épatais moi-même des fois.

_ Est-ce que je peux avoir votre adresse ? reprit la femme.

_ Pardon ?

_ Vous emmenez cet enfant chez vous. Je veux votre adresse en cas de problème.

_ Mais quels problèmes ? Bref, laissez tomber. C’est 5 rue du Chat Pitre en deux mots.

_ Un justificatif ?

_ Et puis quoi encore, m’insurgeai-je, vous croyez que je me promène tout le temps avec une facture d’électricité sur moi ? Vous ne voulez pas mon casier judiciaire tant que vous y êtes ?

Je lui tournais le dos, effarée. Je voulais bien qu’elle s’assure de mon identité mais là elle dépassait les bornes.

Amélie était prête. Je la soulageais d’un sac et nous en allâmes sans un mot.

Le voyage se fit en silence. Je conduisis prudemment, n’ayant pas de rehausseur pour Amélie qui semblait bien petite sur la banquette arrière. Mon esprit turbinait afin de trouver quelque chose à lui dire, mais quel sujet de conversation intéresse une petite fille ?

Une fois arrivée, je lui présentais ma maison sans qu’elle décroche un mot. Je ne savais vraiment pas quoi faire. Alors qu'elle commençait à jouer à la poupée au milieu du salon, je finis par lui poser les questions bateaux que l’on pose à des enfants.

_ Tu as quel âge ?

_ Cinq ans.

J’acquiesçai silencieusement, un peu surprise. Je l’aurais cru plus jeune.

_ Et que font tes parents ?

_ Mon papa est maçon et ma maman infirmière. Mais ils sont partis et ne reviendront plus. Tatie dit que le mot c’est qu’ils sont morts.

Je sentis mon cœur faire quelques ratés tandis que je déglutissais avec difficulté. Cette petite fille m’annonçait d’une manière totalement anodine le décès de ses deux parents, et par là même de la sœur de Morgane.  

_ Désolée, petite, je ne savais pas.

Amélie ignora superbement mes excuses et continua de jouer innocemment. J’eus un élan de compassion pour cette petite fille qui ne semblait pas mesurer ce qu’elle venait de dire. Douce et douloureuse innocence de l’enfant, je ne savais pas vraiment si je l’enviais ou non.

_ Maintenant je vis chez Tatie.

Je sursautai. Est-ce que cette petite était profondément démoniaque pour balancer de telles bombes aux visages des gens ? Il était évident que non, puisqu’elle ne savait pas la relation qui me liait à sa tante. Enfin, relation, je m’entendais bien. Elle ne m’avait même pas informée que sa nièce vivait chez elle, et que sa sœur était décédée.

Ne sachant quoi répondre, si je devais signifier ou non mon ignorance, je me rabattis sur une question neutre, mais très importante pour moi.

_ Ça fait longtemps ?

La petite haussa les épaules, sans se détourner de sa poupée dont elle brossait les cheveux patiemment.

_ Je sais pas. Avant que je recommence l’école.  

Je n’eus pas le temps de demander si elle parlait de la rentrée de septembre ou celle des petites vacances, mon téléphone sonnant à ce moment de la conversation. Je décrochai de suite en voyant qu’il s’agissait de Morgane.

_ Julia ? La dépanneuse vient à peine d’arriver, je risque de rentrer très tard, surtout que je ne sais pas encore si la voiture va redémarrer. Comment va Amélie ?

_ Ca va, ça va. Elle joue à la poupée.

_ Tu me la passes, s’il te plait ?

Je tendis le téléphone dans les mains de l’enfant et l’entendis répondre à plusieurs reprises par onomatopées. Je ne pouvais deviner ce que lui indiquait sa tante au bout du fil, même si cela m’intriguait. Elle finit par me rendre l’appareil et repartit jouer sans un mot.

_ Je suis désolée de te demander ça, reprit Morgane, mais est-ce que tu pourrais lui donner à manger ?

_ Pas de problème, qu’est-ce qu’elle aime ?

_ Demande lui ce qu’elle veut elle te répondra. Je te remercie de tout cœur Julia, je te tiens au courant.

Amélie voulait des pâtes Carbonara. Je lui fis de bon cœur, ceci m’évitant de trouver quelque chose à lui dire pendant la préparation. Evidemment, ne connaissant rien à la portion que mange un enfant de cinq ans, j’en fis beaucoup trop. Par la suite, je proposai de lui faire regarder un dessin animé, ce qui semblait l’enchanter.

Finalement, la soirée ne se déroulait pas de façon trop catastrophique. Mais il m’était impossible de me concentrer sur la télévision, tant mes pensées étaient tournées vers les révélations d’Amélie. Les secrets de Morgane semblaient être bien plus importants que je ne pensais.

Perdue.

C’est moi, Julia.

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Commentaires
E
Bah voilà, j’en étais certaine, enfin je n’ai pas toutes les réponses non plus... bon je continue
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