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Petits écrits de la Main Gauche
Informations aux lecteurs

Samedi 18 novembre 2023 :

PUBLICATION DU TOME 1 DE CAUGHT IN THE MIDDLE LE 18 NOVEMBRE 2023
Pour s'y retrouver avant la lecture : Avant-Propos The Legend Of Zelda

- Caught in the Middle (fanfiction du jeu Zelda Breath of the Wild) =>
T2 achevé ; T3 en cours d'écriture.

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10 juillet 2015

Le Bunker - Chapitre 03

Je refermai doucement la porte de la salle de bains, tentant de ne pas faire transparaître mon agacement. Marc m’exaspérait. Il ne faisait rien de ses journées, traînait jour après jour sur le canapé en se gavant de mes plats avec à peine un merci. Cinq ans de vie de couple, deux ans de mariage, et jamais il ne s’était comporté ainsi. Il se levait à onze heures pour se poser devant la télé, je devais presque l’obliger à aller se laver. Lui qui parlait d’avoir des enfants, il me donnait l’impression d’en avoir déjà un à charge.

Je posai mes mains sur le rebord du lavabo, le serrant plus que de raison en inspirant fortement. Mon regard se porta alors sur la blonde aux yeux noisette que me reflétait le miroir, me plongeant dans mes propres iris pour rejoindre mes pensées. 

C’était nos premières vacances ensemble. Avant, nous étions tous deux en études, puis les CDI avaient été décrochés, et avec eux, l’année sans congé. Lui l’ayant signé plus tardivement que moi, il n’avait pris qu’une semaine, moi trois. Et dans l’état actuel des choses, j’en étais soulagée.

D’ailleurs, ses congés touchaient à leur fin. J’étais partagée. Je pouvais rentrer chez moi, voir mes amis, trouver des occupations, et surtout, surtout, me débarrasser de ce mari que je ne connaissais pas, et que, je me l’avouais, je n’aimais pas. Pas cette facette-là.

Mais il y avait Elle. Elle, que j’aidais à survivre dans ce bunker. Mais surtout elle, que je n’avais toujours pas vue.

Elle, qui m’obnubilait par son mystère.

J’inspirai à nouveau un grand coup, tentant de reprendre pied dans la réalité. Marc ne devait pas savoir que son comportement m’exaspérait, je refusai de gâcher notre dernière soirée pour quelque chose d’aussi futile. Je devais garder mon empire de moi-même, pour notre bien-être respectif.

Terminant mes récriminations sur ces pensées, je m’attelai à me laver les mains consciencieusement, m’efforçant de retrouver une attitude agréable que je ne ressentais pas.

Je me décidai à sortir de mon antre, retournant m’assoir à table auprès de mon mari. Marc, pour qui je n’étais pas encore devenue totalement transparente grâce à ma cuisine, finit par s’apercevoir que quelque chose clochait, et me demanda ce que j’avais.

_ Je n’ai pas envie de partir, fis-je calmement en triturant mon assiette.

_ Tu veux passer le reste de tes vacances ici ?

Je ne répondis pas tout de suite. Je voulais parvenir à mes fins, mais je craignais qu’il le prenne mal, ou qu’il devine que quelque chose me retenait ici. Cependant, entre la perspective de vivre au grand air, face à la mer, sans un boulet à la maison, libre pour continuer mes investigations, ou de m’enfermer dans un appartement en ville, avec lui qui m’énervait et frustrée d’avoir échoué, mon choix était vite fait.

_ C’est possible ? demandai-je avec un petit sourire plein d’espoir.

_ Bien sûr, mon oncle ne revient pas avant un mois. Mais tu vas me manquer, rajouta-t-il avec la tendresse peinte sur son visage. Comment vais-je faire tout seul ?

J’aimais quand il me regardait comme ça, avec cet air doux et presque enfantin. J’oubliai un instant tout ce qui m’avait exaspéré chez lui durant cette simple semaine, pour me rappeler pourquoi je l’avais épousé. Je me penchais au travers de la table pour poser délicatement mes lèvres sur les siennes.

_ Tu te débrouilleras, je pense, murmurai-je, t’es un grand garçon.

_ Il n’empêche que tu vas me manquer, Léa.

Il captura mes lèvres à nouveau, et je lui rendis son baiser avec plaisir. Oubliant notre repas, il se releva alors, avec une lueur dans les yeux que je connaissais bien, et me prit la main pour m’entraîner à sa suite vers la chambre.

Nous fîmes l’amour tendrement, calmement. Cet instant de douceur me fit presque oublier pourquoi je voulais rester au lieu de le suivre. J’aimais mon mari, si posé, si innocent. Il était brillant, intelligent, plein d’humour, et possédait un esprit vif bien caché sous ses airs angéliques et réservés. C’était un doux rêveur, qui jamais ne s’était montré égoïste envers moi. Il ne cachait pas l’exaspération que lui provoquaient mon côté hyperactif et ma curiosité maladive, ainsi que mon impulsivité à bien des moments. Mais lui seul m’apaisait. Lui seul m’amenait à réfléchir lorsqu’il le pouvait.

Cet homme en or m’appartenait. Et pendant qu’il s’endormait à mes côtés, je me lovai contre lui en me jurant de ne jamais briser ce qui nous unissait. Et que ma petite quête actuelle ne serait que passagère, et le seul mensonge que je proférerais à son égard.

Le lendemain matin, j’étais presque triste en regardant mon mari partir. Presque, parce qu’intérieurement, je bouillonnais. Mon insomnie m’avait rattrapée une fois de plus, et j’avais réfléchi toute la nuit aux opportunités qui se présentaient à moi pour enfin atteindre mon but.

Et j’avais trouvé.

Quand la voiture se fut éloignée, je me ruai à la maison à la recherche d’un papier et d’un crayon.

« Si tu as envie d’une douche, ma porte t’est ouverte. Je suis seule. Léa. »

Je me dirigeai donc vers le bunker, et déposai le petit mot dans le lieu habituel, c'est-à-dire la petite fente où j’avais glissé ma première réponse. Mais je ne laissai aucune autre affaire. La douche ou rien, tel était mon deal. Et je tournai les talons en croisant les doigts, le sourire aux lèvres.

J’attendis toute la journée son hypothétique venue. Je retournai même brièvement au bunker. Le mot n’était plus là. Ce qui me fit m’impatienter davantage.

La nuit tomba, et je me résignai, déçue. J’avais dépassé sa limite apparemment. En même temps, je la nourrissais depuis une semaine, ne pouvait-elle pas m’accorder cela ? Je me morigénai en me disant que j’aurais dû suivre Marc, plutôt que de rester seule à attendre une parfaite inconnue avec qui j’avais été plus que généreuse. Je maugréai longuement en contemplant les absurdités télévisées, avachie dans le canapé, dans lequel je finis par m’assoupir.

Ce fut un grincement et une vague de froid qui me réveillèrent. Je relevai la tête vers la porte d’entrée.

Elle était là.

Elle n’était pas très grande, et semblait pourtant impressionnante dans l’encadrement de la porte. La faible lumière que dégageait la télévision ne me permettait de voir que sa silhouette. Et tout ce que je discernais, c’était des haillons.

Pendant mon sommeil, la pluie était revenue à la charge. Elle était trempée.

_ Il est parti ?

Une voix grave qui faisait parcourir des frissons dans tout mon dos. Je n’osais pas bouger. En fait, je n’osais rien faire.

_ Oui.

Elle s’avança alors lentement dans la maison, ses habits miteux dégoulinant par terre. Arrivée au milieu du salon, elle s’arrêta, un relent de la même odeur de sueur salée me submergeant. Je me décidai alors à tendre le bras vers la lampe qui se trouvait à côté de moi.

_ Je peux ?

J’attendis quelques minutes une réponse qui ne vint pas avant d’appuyer sur l’interrupteur. L’ampoule à économie d'énergie s’alluma faiblement, puis son intensité s’éleva peu à peu. Dans l’ombre, je distinguai enfin la femme qui me hantait depuis une semaine, celle dont j’avais préféré le mystère à mon mari.

Elle portait ce qui avait dû être une veste en Skye, un chemisier et un jean. Mais d’eux, ne restaient que des lambeaux et de la boue. A son bras, un sac d’où dépassait l’anorak que j’avais acheté. Mes yeux remontèrent lentement le long de son corps qui semblait si frêle tout d’un coup, et je m’arrêtai sur son visage. La boue en maculait une partie, et l’autre était recouverte d’une tignasse brune emmêlée de plus belle. Seule une chose supplantait ce spectacle, me rendant fébrile.

Ses yeux.

Deux billes noires qui me transformaient en glace. Elles me transperçaient, me déchiraient pour lire en moi. Je me sentais nue, vulnérable. Ses yeux contrastaient de manière flagrante avec son aspect fragile. Ils semblaient faire passer un message de mise en garde permanente.

Elle était effrayante.

Mais étrangement, je n’avais pas peur.

J’avais la sensation d’être face à une bête blessée, devenue dangereuse par crainte, qu’il ne fallait pas brusquer. Aussi, je ne bougeai pas du canapé.

Elle, elle restait plantée là, sans le moindre battement de cils, au milieu du salon, me fixant de son regard pénétrant. J’avais l’impression d’être jaugée, estimée. Pendant de longues minutes, le seul bruit fut celui de la pluie qui martelait le sol, la porte étant toujours grande ouverte. Gênée, je finis par me racler la gorge avant d’articuler :

_ La salle de bains, c’est la deuxième porte sur ta gauche à l’étage… si tu veux…

Elle ne bougea toujours pas. Nerveuse, je me demandai ce qu’elle attendait. Et surtout pourquoi elle me regardait si fixement. Je craignais qu’elle ne fasse demi-tour pour disparaitre définitivement dans la nature.  Plus jamais je n’aurais l’occasion de savoir réellement ce à quoi elle ressemblait et de percer le mystère qui entourait cette inquiétante jeune femme.

Enfin, elle se décida. Ses yeux dégringolèrent de mon visage jusqu’au sol et elle s’avança lentement vers l’escalier. Arrivée sur la première marche, la même voix grave :

_ Merci.

Et elle s’enfuit dans les étages.

J’inspirai alors profondément, prenant conscience de toute la tension accumulée pendant ce court échange. Je restai là quelque temps, ébahie par cette scène. Elle était vraiment là, et ça, je parvenais difficilement à y croire. Après une semaine de si laborieuse stratégie pour la mettre en confiance, elle était enfin à ma portée.

Ce fut le bruit de la douche qui me fit revenir à la réalité. Je me levai subrepticement pour nettoyer un peu les traces de boue qu’elle avait laissées sur le sol puis mis à chauffer le repas qui avait mijoté toute la journée. C’était en cela que résidait la deuxième partie de mon plan : j’installai donc le couvert pour deux, et laissai les senteurs du dîner envahir la pièce.

Quand tout fut prêt, je m’installai devant un verre de vin et patientai, trouvant le temps particulièrement long.

Mon cœur s’accéléra un peu quand j’entendis des pas dans l’escalier. J’allais enfin savoir exactement à quoi ressemblait cette inconnue, dans les moindres détails : la tenue que j’avais déposée à son intention dans la salle de bains était faite pour, tout en étant confortable. Depuis le temps que j’attendais ce moment, je ne voulais rien rater. J’espérais juste qu’elle ne refuse pas de les mettre.

Je sentis ma respiration s’arrêter lorsqu’elle apparut en bas des marches.

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