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Petits écrits de la Main Gauche
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Samedi 18 novembre 2023 :

PUBLICATION DU TOME 1 DE CAUGHT IN THE MIDDLE LE 18 NOVEMBRE 2023
Pour s'y retrouver avant la lecture : Avant-Propos The Legend Of Zelda

- Caught in the Middle (fanfiction du jeu Zelda Breath of the Wild) =>
T2 achevé ; T3 en cours d'écriture.

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10 juillet 2015

Le Bunker - Chapitre 01

La pluie s’écrasait sur les carreaux, laissant derrière elle des larmes ruisselantes éclairées de temps à autre par de violents éclairs qui résonnaient au cœur de la maison silencieuse. A travers la fenêtre, la mer en furie s’étirait, se levait et se fracassait dans un bruit assourdissant contre la petite falaise qui abritait le vieux bunker allemand.

Ce tableau donnait l’impression que la nature se battait de toutes ses forces pour détruire ce vestige de la cruauté humaine. Vestige qui semblait si fragile au cœur de la nuit. Le ciel envoyait la foudre et le vent, et son alliée la mer se déchaînait pour le réduire en miettes.

Silhouette sombre au milieu de nulle part, il continuait à se dresser là, intact, depuis cinquante ans. Rien ne l’ébranlait, malgré la colère de mère nature qui se démenait contre sa présence dans ce havre de paix.

Une tasse de café à la main, j’observais paisiblement ce spectacle, au chaud derrière ma fenêtre. Il n’était que quatre heures du matin, mais le sommeil me fuyait depuis déjà quelques heures. Je m’étais donc levée, irrésistiblement attirée par le déchaînement des éléments.

La maison, dans un pur style breton, était magnifique. Les murs s’élevaient en épaisses pierres de granit, et le bois patiné par les âges constituait l’ensemble de la décoration, de l’escalier aux meubles, en passant par les poutres.

Cette demeure sentait le vécu, des gens s’y étaient succédé pour aimer, pour rire, pour pleurer, pour haïr, et ce depuis déjà presque cent ans. Je m’y sentais bien. Marc avait eu raison de me traîner ici pour que je m’y repose.

Je regardais toujours, songeuse, ce petit bunker qui bravait les éléments. Mais alors qu’un éclair très proche illuminait la falaise, je crus apercevoir une silhouette qui courait sur la plage attenante au  bunker. Curieuse, je me rapprochais de la vitre pour mieux observer, déposant ma tasse sur la table basse à mes côtés. A nouveau la foudre zébra le ciel, et je discernai distinctement une ombre se précipitant dans l’antre sombre du blockhaus.

_ Qu’est-ce que tu fais debout à une heure pareille ?

Je sursautai avant de me retourner. Concentrée sur ce qui se passait dehors, je n’avais pas entendu mon mari approcher. Il se tenait là, devant moi, en caleçon, le regard ensommeillé. Cette vision m’arracha un sourire attendri.

_ Désolée, impossible de dormir, répondis-je calmement.

_ Je t’ai amenée ici pour que tu te reposes, retourne dans le lit s’il te plaît.

Je le regardai, indécise. Je n’avais vraiment pas envie de dormir, et j’aimais regarder la mer déchaînée. S’il n’avait pas été là, je serais sortie dès la première foudre pour me poser sur la plage. Mais ça aurait été loin de lui plaire.

Voyant que je ne me décidais pas, Marc se dirigea vers moi en faisant une moue boudeuse.

_ Il fait froid dans ce grand lit vide, viens me réchauffer...

Il m’enlaça avant d’ajouter :

_ Puis si tu ne veux vraiment pas dormir, je peux nous trouver quelque chose d’un peu plus intéressant à y faire…

Son expression me fit bien comprendre qu’un nouveau refus de ma part risquerait d’entraîner un gros incident diplomatique, et ce, dès notre première nuit de vacances. Autant rentrer directement chez nous pour ce genre d’événement. Résignée, je l’embrassai doucement.

_ J’arrive. Le temps de finir mon café.

Il hocha la tête avec une lueur coquine dans les yeux, ne dissimulant pas ce qu’il comptait faire de mon corps une fois que je l’aurai rejoint, avant de gravir l’escalier. Mitigée à cette perspective, partagée entre la curiosité et un désir qui s’éveillait, je pris tout de même le temps de terminer ma boisson en me concentrant à nouveau sur ma contemplation nocturne. Un énième éclair ne me permit pas d’entrapercevoir une nouvelle fois la moindre silhouette. Rien que le vide des éléments qui se livraient la guerre.

Je poussai un profond soupir en m’arrachant de la fenêtre. Je déposai ma tasse dans l’évier de la cuisine et montai lentement les marches pour retrouver Marc. Après tout, il y aurait bien d’autres orages. Par contre, une nuit d’amour avec mon mari sans réveil le lendemain, relevait davantage du rarissime.

Celui-ci m’attendait dans la pénombre, ne me permettant pas de le distinguer. Je me déshabillai rapidement, et à peine étais-je enfouie dans le cocon des draps que je sentis ses mains brûlantes envahir l’épiderme de mon ventre. Son corps se rapprocha du mien doucement tandis qu’il répandait de tendres baisers sur ma poitrine. Le frôlement de son appendice sur ma cuisse me fit vite comprendre que, de son côté, les préliminaires étaient déjà bien entamés. Aussi, j’avais plutôt intérêt à y mettre du mien pour le rattraper.

Nous fîmes l’amour rapidement, mais avec la tendresse et la délicatesse qui caractérisaient nos ébats. Marc était un homme doux, soigneux, et surtout attentionné, qualités qui m’avaient fait fondre comme un lapin de Pâques au soleil, il y a de ça déjà cinq ans. Il s’endormit quelque temps plus tard avec un sourire satisfait, la tête sur mon épaule, comme un enfant. La masse de cheveux bruns qui auréolait son visage assoupi m’attendrit. Le sourire aux lèvres, je lui caressai doucement le visage.

_ Je t’aime, lui murmurai-je dans un sourire.

_ Moi aussi ma chérie, me répondit-il d’une voix ensommeillée, les yeux toujours clos.

Je ne dormis pas de la nuit. L’orage ne se calma qu’à la venue du soleil, mais mon cerveau, lui, était toujours en pleine tempête. Mes pensées, au fil de mon insomnie, s’en retournèrent alors vers cette silhouette entraperçue au cours de la nuit.

J’étais d’une nature curieuse, ce qui m’avait toujours valu pas mal d’ennuis. Malheureusement pour moi et pour mon entourage, je n’avais jamais réussi à endiguer bien longtemps cet aspect de moi-même. Je finis donc par me dégager de l’étreinte de mon mari aux aurores, bien décidée d’aller jeter un coup d’œil au bunker, étant visiblement incapable de trouver le sommeil.

Après avoir enfilé rapidement des bottes, un coupe-vent et un bonnet, je sortis. Je pris soin de laisser un message à l’intention de Marc lui indiquant où j’étais, au cas où il se réveillerait avant mon retour.

Je me dirigeai d’un pas ferme vers la côte. Il ne pleuvait plus mais le vent toujours présent m’obligeait à lutter à chaque pas. C’est donc essoufflée et le nez rosi par le froid matinal que je m’arrêtais à quelques mètres de ma destination. J’observai le paysage alentour, les nuages gris que le vent violent ne parvenait pas à chasser et la mer toujours déchainée qui se fracassait en un roulement stupéfiant sur le rivage.

Le doute m’envahit soudainement. L’idée que l’inconnu qui était là pouvait être dangereux, comme un criminel, un fugitif, m’envahit. Une sorte de crainte sourde résonna en moi un instant, réalisant que je me précipitai probablement la tête la première dans sa tanière, sans même indiquer précisément à mon mari ce que je faisais.

Mais ça ne dura pas longtemps. Ma curiosité patentée transforma ma peur en une vivace poussée d’adrénaline à la simple idée de rentrer dans un bunker, ce que je n’avais jamais fait. Et puis, bizarrement, l’idée de me retrouver face à un ténébreux repris de justice dans un tel environnement avait quelque chose d’attirant. Je secouai la tête face à cette pensée complètement déplacée. Par moment, j’avais la sensation d’avoir les émotions d’une gamine de quinze ans.

Mettant toutes ces idées futiles de côté, je me décidai à reprendre mon avancée d’un pas ferme. Mais une fois face à l’obscurité qui régnait dans la bâtisse à cette heure matinale, mon assurance en fut quelque peu amoindrie. Le cœur battant la chamade, je m’approchai tout doucement du seuil en contrebas. Le dos courbé, le regard fixé sur l’antre de béton, je ne pris pas garde à la descente boueuse. Mon pied glissa soudainement, et je me retrouvai sur les fesses devant la terrifiante entrée en un temps record. Au moins, si j’avais encore hésité à faire demi-tour, la question était réglée.

Lâchant un juron, je me relevais tant bien que mal, essuyant vainement mes mains sur mon pantalon déjà tout tâché. Je relevai alors les yeux sur la porte qui se dessinait devant moi. Plus qu’un pas et je saurais si ce que j’avais vu n’était qu’une illusion.

C’est alors que je remarquai l’empreinte sur le sol. Celle d’un pied nu, de pointure à peu près égale à la mienne.

Quelqu’un était donc effectivement venu ici, récemment, puisque les intempéries n’avaient pas effacé son empreinte dans la terre détrempée. Quelqu’un qui courait sous la tempête sans même avoir pris le temps de se chausser. Mes pensées se dirigèrent vers un adolescent en fuite. Toutes mes appréhensions s’envolèrent alors, et je rentrai d’un pas sûr dans le bunker.

Personne.

Mes yeux s’habituèrent quelque peu à l’obscurité. Il n’y avait qu’une seule et grande pièce, froide et humide, et de l’eau de mer s’était infiltrée par les fentes de surveillance qui donnaient sur le large. Une odeur de moisi et de nature pourrissante flânait, supplantée par les effluves caractéristiques de la marée.

Je restai là plusieurs minutes, quelque peu abasourdie, cherchant à comprendre, mais ne trouvant aucune réponse à mes questions. J’examinai le sol difficilement avec la lumière diffuse qui se répandait. La vieille dalle de béton était recouverte de feuilles mortes, de bouteilles en plastique vides, d’emballages délavés, et d’amas de boue saumâtre. Dépitée, je laissai mon regard courir sur les murs recouverts de graffitis hideux et vulgaires, de mauvais dessins de femmes aux seins gonflés à l’hélium comme des ballons de baudruche. Mon attention fut retenue un instant par une inscription plus belle, plus travaillée, mais nébuleuse : « Chose défendue, chose désirée ». Je plaignais celui qui avait ressenti le besoin d’écrire ça sur ce vieux mur avec autant de soin.

Poussant un soupir déçu, je finis par me décider à faire demi-tour, me disant qu’après tout, je ne pouvais rien faire de plus. L’adolescent qui était venu était déjà reparti, une fois la tempête passée. Il avait dû rentrer chez lui, après avoir vécu la plus grosse frayeur de sa vie. Passer une nuit d’orage dans un bunker, dans l’obscurité, seul, sans lumière, avec l’eau qui se répand à vos pieds, ne devait pas vraiment ressembler à l’idéal d’un jeune fugueur. Finalement, il avait dû se dire que les réprimandes parentales avaient au moins l’attrait d’un lit bien douillet.

Lorsque je poussais la porte de la maison quelques minutes plus tard, je fus accueillie par une merveilleuse odeur de café. Je me déchaussai et me dirigeai vers la cuisine, tout heureuse à l’idée de serrer une bonne tasse bien chaude au creux de mes mains glacées. Marc, en survêtement, les cheveux en bataille, était en train de se servir quand je fis mon entrée.

_ Mais d’où est-ce que tu viens comme ça ? s’exclama-t-il en m’apercevant.

Je me souvins alors de ma chute et de l’état déplorable de mon pantalon. Je lui souris comme une enfant prise en faute, mais sans le moindre remords.

_ J’ai été dans le bunker. Le vent était glacé et je m’y suis réfugiée pour observer la mer. J’ai glissé dans la boue en y allant.

Il me regarda de la tête aux pieds, et explosa de rire. Il se dirigea vers moi et déposa un baiser sur mon front.

_ T’es pas croyable, toi, me sourit-il avant de partir dans le salon regarder les dernières informations sportives.

Oui, j’étais incroyable. Spontanément, je lui avais menti sur les raisons de ma présence dans le bunker. Et j’ignorai pourquoi. Je tentai de me rassurer en décidant que ça ne relevait d’aucune importance. Il ne s’était rien passé, après tout. Me persuadant de cela, je me servis ma tasse de café et l’emportai avec moi dans la salle de bains.

La journée fut calme. Pour Marc, se reposer signifiait rester allongé dans le canapé à lire ou à regarder la télé, surtout quand il ne faisait pas particulièrement beau. Moi, je tournai en rond. Je lus, fis du ménage, regardai la télé, fis la cuisine, lus à nouveau, jusqu’à ce que Marc me force à rester assise sans bouger à ses côtés. Je regardai ma montre : il n’était même pas midi.

Et la journée s’écoula ainsi. Je piétinai d’impatience face à la paresse de mon mari. Une balade à vélo ? Non. Un cinéma ? Non. Des courses ? Non. Regarder la télé par contre, ça, c’était oui.

Aussi, désabusée, je m’installai dans un fauteuil pour contempler la mer toujours agitée, malgré le ciel bleu qui perçait de plus en plus. A ce rythme-là, j’allais reprendre la cigarette. Au moins, j’aurai quelque chose à faire de mes mains.

Je restai là à me rappeler les merveilleux souvenirs que j’avais d’avoir tenu un jour une blonde entre mes doigts quand je fis un bond. Une silhouette venant de la plage s’était faufilée dans le bunker, pliée en deux. Sans prendre la peine de réfléchir, je me précipitai vers la porte d’entrée, enfilai rapidement mon harnachement matinal contre le froid, et me ruai dehors sans me préoccuper d’un Marc éberlué demeuré sur le canapé.

Je courus contre le vent et ne ralentis qu’à proximité du bunker. Mon cœur me battait les tempes tant l’adrénaline m’envahissait. Cette petite aventure guère palpitante, j’étais plus que ravie de la vivre, surtout après la morosité qui commençait à m’envahir. J’avançai alors tout doucement vers le bâtiment fait de béton armé, prenant bien garde à ne pas m’étaler par terre ce coup-ci, avant de me faufiler dans l’ouverture.

Personne.

Je demeurai figée. Il était de notoriété publique que les bunkers étaient petits, inconfortables, et n’avaient qu’une seule entrée, le réseau les reliant étant condamné depuis des lustres. Personne n’avait eu le temps de s’enfuir, puisque je n’avais pas quitté la bâtisse des yeux durant toute ma course. A moins de s’être jeté dans la mer en furie par les ouvertures larges comme un doigt, ce qui me semblait tout de même hautement improbable.

La réponse à mes questions ne se fit pas attendre davantage.

Une main glacée et poisseuse me saisit brutalement le poignet et le remonta entre mes omoplates tandis qu’un bras se refermait sur ma gorge, prêt à m’étouffer.

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Commentaires
V
Très bon début... j'adore te lire c'est dingue!
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V
Ouiiiiiiiii :)<br /> <br /> Bon pas le temps de lire ce soir mais vivement les transports lundi matin <br /> <br /> merci pour ce cadeau <br /> <br /> a bientôt et bon week end
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F
Comme promis me voila 😊 Un thé bien chaud, un paquet de cigarettes, la tablette charger et les écouteurs dans les oreilles et c'est partit pour lire ton histoire. Très bon début.
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