Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Petits écrits de la Main Gauche
Informations aux lecteurs

Samedi 18 novembre 2023 :

PUBLICATION DU TOME 1 DE CAUGHT IN THE MIDDLE LE 18 NOVEMBRE 2023
Pour s'y retrouver avant la lecture : Avant-Propos The Legend Of Zelda

- Caught in the Middle (fanfiction du jeu Zelda Breath of the Wild) =>
T2 achevé ; T3 en cours d'écriture.

Publicité
Newsletter
18 novembre 2023

Prologue

« Link ! Regarde sur sa tête  ! »

La voix féminine raisonna comme un tocsin dans l’esprit du jeune hylien, étouffant momentanément les hurlements infâmes de la bête. Sans chercher à comprendre, Link tourna immédiatement bride à sa jument pour remonter droit sur le groin de son mortel ennemi. Félag1 renâcla, oscillant entre l’épuisement et la terreur que lui inspirait le sanglier de cinq mètres de haut mugissant de colère. Mais la jument était une compagne fidèle : sûre de son cavalier, elle fila à toute vitesse vers la gueule brûlante et méphitique.

Link ne savait que trop bien qu’il puisait dans les ultimes ressources de sa monture si courageuse. S’il redoutait qu’elle ne finisse par s’écrouler entre ses cuisses, la ménager était un luxe qu’il ne pouvait pas se permettre : le Pouvoir de la Déesse ne tenait plus qu’à un fil. Il le sentait au plus profond de son être.

Le chevalier claqua les rênes et Félag, le mors couvert d’écume, s’élança au triple galop. Ils contournèrent le monstrueux sanglier à la peau noire et dure comme l’acier d’où s’échappaient des volutes de corruption sous la forme d’un feu rose éclatant et putride. La créature était l’abomination incarnée, le mal dans toute sa laideur – et sa puanteur de mort.

Depuis son apparition au centre de la Plaine d’Hyrule, une odeur de chair en décomposition avait envahi l’atmosphère comme un gaz empoisonné qui brûlait les poumons. Le feu rose que la créature crachait en des jets puissants s’accompagnait d’une senteur de souffre et d’œuf pourri qui retournait l’estomac de Link, et le confortait dans ses efforts pour ne surtout pas effleurer la moindre braise. Mais l’exercice s’avérait de plus en plus complexe. Si le monstre se déplaçait avec une lenteur handicapante, il ne lésinait pas sur les attaques mortelles. La plaine n’était plus qu’un gigantesque brasier purulent clairsemé d’herbes calcinées et de cendres. Éviter l’un ou l’autre relevait à présent de l’impossible, et Link n’avait plus qu’à prier pour que les résidus empoisonnés ne rongent pas les fers et les sabots de sa jument.

Arrivés à hauteur de la gueule de la créature, Link ralentit l’allure de Félag. Sans jamais rester statique, il tenta de repérer sa cible, en vain. Il avait beau scruter attentivement la nuée de flammes roses qui recouvrait la face du monstre, il ne parvenait pas à y discerner quoique ce soit – mis à part les petits yeux porcins rivés sur lui et les deux gigantesques défenses noires et menaçantes.

L’inquiétude commençait à le gagner lorsque, pour la septième fois, un frisson particulièrement désagréable sinua le long de sa colonne vertébrale. La chair de poule se répandit sur son épiderme alors même qu’une extraordinaire sensation de chaleur explosait dans sa poitrine. Une chaleur si douce, si réconfortante, si tendre, presque maternelle… Et pourtant si puissante, si dangereuse… mortelle. Une sensation, semblable à la proximité confortable d’un gigantesque foyer dans lequel des troncs entiers étaient consumés par des flammes dévorantes, et auprès duquel Link se loverait délicieusement au milieu d’un océan de coussins et de couvertures épaisses. Un brasier réconfortant, mais si intense, si puissant, et dont il était si proche, que sa peau flirtait avec la brûlure, le picotait dangereusement, et qu’une fumée blanche s’échappait de la pointe de ses édredons.

Une impression puissante qui le laissait à mi-chemin entre la félicité la plus totale et la terreur la plus pure. Mais Link ne s’en souciait plus. Au contraire, il accueillit ce déluge de sensations d’un air serein, voire même satisfait. Dans son dos, l’Épée de Légende resplendit d’un vif éclat bleuté.

Le Pouvoir du Sceau. Le Pouvoir du Sceau lui venait en aide.

Une vive lueur se refléta soudain sur l’océan de nuages noires et lourds qui pesait sur la Plaine d’Hyrule. Link plissa les yeux et observa le crâne du monstre, s’attendant à y voir apparaître le même symbole lumineux que sur ses cinq cibles précédentes. Mais en lieu et place du pentagramme scintillant, deux paupières noires et gluantes s’entrouvrirent sur un gigantesque œil jaune et maléfique, qui le lorgna comme un prédateur scrute avidement sa proie.

« C’est l’essence même de Ganon que tu vois… » expliqua la voix avec force. « Tout ne dépend plus que de toi ! »

Le cœur battant à un rythme effréné, Link talonna Félag et lâcha les rênes. La jument, habituée, poursuivit sa course hasardeuse au petit galop sans jamais s’éloigner de la cible visée. La sueur dégoulinant sur ses tempes, Link banda l’arc de lumière. Il travailla à l’apaisement de sa respiration pour assurer son tir, sans cesser de jeter des coups d’œil méfiants vers la gueule du monstre. Ganon était certes lent, mais il ne tarderait pas à projeter son feu répugnant d’ici quelques secondes. Le temps lui était compté.

Les yeux brillants et le bras solide, le jeune hylien expira lentement, ajustant sa cible.

Il tira.

La flèche traversa la plaine en un rai de lumière, avant de se perdre au milieu des flammes roses. Le tir était trop court. Impossible.

«  Essaye de tirer parti de ses attaques ! »

Au même instant, la créature cracha un jet de feu en plein sur son assaillant, et Félag n’eut besoin d’aucune indication pour bondir à distance de la terrible offensive, de justesse.

L’attention du chevalier était entièrement accaparée par le brasier qui s’élevait à présent sur la plaine. Tirer parti de ses attaques… Son regard suivit la danse envoûtante des flammes, puis le tracé du courant d’air chaud qui montait vers les cieux en une vapeur noire et malodorante. Il sourit.

Link contraria Félag en un demi-tour serré et se précipita vers le feu rugissant et éphémère. Une fois à proximité, il se hissa debout sur sa selle, bondit en un puissant salto avant, ouvrit sa paravoile et s’envola une seconde avant que ses bottes ne frôlent la pointe mortelle du feu corrompu. Porté par les vents ascendants, le chevalier s’éleva, s’éleva haut dans le ciel, jusqu’à surplomber son pire ennemi.

« Maintenant, Link ! Finissons-en ! »

Lâchant sa paravoile, le héros banda l’arc de lumière en direction de l’œil à présent parfaitement accessible. Le temps ralentit sa course. Son sang battait ses tempes, étouffant les rugissements du monstre sous ses pieds. La corde tendue de l’arc vibrait contre sa joue moite, la pointe de la flèche se reflétait dans le bleu de ses iris. Il expira doucement.

Il tira.

La pupille jaunâtre explosa en un jet de liquide rose et visqueux, et Ganon poussa un hurlement strident à en fracturer la terre. Parfaitement conscient du danger, Link rattrapa prestement les pans de sa paravoile et la dirigea pour atterrir à bonne distance de son adversaire. Il avait peut-être mortellement blessé Ganon mais il ne croyait pas cela suffisant pour mettre fin au combat interminable qui les opposait : dès qu’il eut touché terre, il brandit le bouclier hylien en défense, l’Épée de Légende brillante de pouvoir au poing.

Mais Ganon n’était plus en état de riposter. Il hurlait, ruait de douleur, la terre tremblant sous la puissance des énormes sabots qui labouraient la Plaine d’Hyrule. Et alors qu’il se démenait, Link vit distinctement son gigantesque corps se mettre à onduler, comme pris de haut-le-cœurs qui ne lui disaient rien qui vaille. Vu ce qui avait pu sortir de la gueule du monstre auparavant, le chevalier n’avait aucune envie de connaître le contenu de son estomac. Inquiet, il chercha sa jument du regard, espérant la voir aussi loin que possible du danger imminent.

Il l’apercevait à peine de l’autre côté de la plaine quand un nuage de douceur, chaud et confiant l’enveloppa entièrement pour le bercer loin de l’atmosphère puante du champ de bataille. Étreint par un océan de tendresse, Link sentit son corps se détendre, ses muscles ramollir et les pulsations de son cœur ralentir. Il ignora totalement les poils qui se hérissaient spontanément sur sa peau, réflexe primaire et instinctif face au péril mortel que représentait la proximité d’une puissance aussi écrasante.

Link ferma les yeux, et inspira profondément, comme pour se gorger de cette sensation enivrante. Jamais encore la chaleur du Pouvoir n’avait été aussi envahissante, à la fois puissante et délicieuse. Sauf, peut-être, lorsqu’il l’avait téléporté jusque dans la plaine depuis le château, afin de rejoindre son adversaire en fuite. Ce voyage-là avait été si dissemblable de ceux de la tablette sheikah, où Link ne s’habituait jamais à la sensation de ne plus avoir d’existence physique. Sous l’action du Pouvoir, le jeune hylien ne s’était même pas rendu compte qu’il disparaissait. La Déesse l’avait juste… enveloppée, délicatement, tendrement, comme une mère étreint son plus fragile enfant. Link avait fermé les yeux, et s’était tout simplement abandonné à cette délicieuse étreinte si incongrue au beau milieu du plus grand combat de sa vie. Aucune autre action n’était envisageable. Lorsqu’il avait rouvert les paupières, il se trouvait déjà sur la plaine, serein, confiant, et Ganon se matérialisait devant lui.

Cette fois encore, malgré la sensation de puissance écrasante qu’il ressentait, Link savait qu’il ne risquait rien. Le Pouvoir du Sceau était son allié, son ami, son protecteur. Il lui parlait, le protégeait. Il entrait en osmose avec son âme qui s’en trouvait apaisée dans la pire des tourmentes.

Le Pouvoir l’aimait, et Link l’aimait en retour.

Alors, au lieu de fuir loin du danger imminent, il se redressa, posa des yeux intrigués sur le monstre blessé, et attendit, ses armes se balançant nonchalamment au bout de ses bras.

Une nouvelle nausée plus violente que les autres secoua le corps du sanglier et Ganon tituba. L’instinct guerrier de Link le sommait de profiter de cette faiblesse pour enfoncer la Lame Purificatrice dans les entrailles empoisonnées du monstre, mais le chevalier ne broncha pas. Il y avait le Pouvoir. Le Pouvoir qui continuait de vibrer en lui, qui chantait à ses oreilles. Il savait, il sentait dans toutes les fibres de son corps qu’il ne devait pas intervenir. Ce n’était plus son heure.

Ganon planta ses sabots dans la terre noircie, son corps secoué par des haut-le-cœurs de plus en plus nombreux, de plus en plus rapides. La gueule puante s’entrouvrit en une grimace douloureuse et Link esquissa un pas en arrière, révulsé. Un ultime spasme secoua violemment le corps corrompu, mais contre toute attente, Ganon leva son énorme groin en l’air, et vomit aux cieux la plus extraordinaire et véloce des étoiles filantes.

Un spectacle d’une beauté resplendissante au cœur de l’horreur incarnée.

Toute l’attention de Link se concentra sur la sublime apparition. Devenu sourd à tout ce qui l’entourait, y compris au terrible monstre titubant à ses côtés, le chevalier tremblait. Sa poitrine était gonflée de cet étrange mélange d’espoir et de crainte qui sourdait en lui depuis qu’il avait franchi les portes de la Citadelle, une petite éternité plus tôt. Sous son regard tourmenté, l’étoile fila à toute vitesse vers les cieux pour y tutoyer les nuages menaçants, mais au lieu de percer leur noirceur et de disparaître dans l’éther du ciel, elle ralentit peu à peu sa course folle. Puis, suspendue pour un instant indécis dans l’air vicié de la Plaine d’Hyrule, elle s’en retourna posément vers la terre déchirée. Lentement, inexorablement, le point lumineux se rapprocha, et Link distingua enfin ce que son cœur n’avait eu de cesse de lui hurler, mais que son esprit n’avait fait qu’espérer.

L’étoile n’était pas stellaire. Au centre de son halo de lumière, se dessinait la silhouette d’une jeune hylienne à la peau diaphane. Les yeux clos et les mains en prière, ses longs cheveux blonds ondulaient dans l’éclat de lumière pure qui la nimbait.

Zelda.

La Princesse Royale. La Grande Prêtresse de la déesse Hylia. Là, devant lui, pour la première fois depuis cent ans. La gorge sèche, les jambes flageolantes, Link fixait des pupilles humides sur l’apparition inespérée tandis que la jeune hylienne se posait délicatement au milieu de l’herbe calcinée. Impassible, le visage grave mais serein, elle ouvrit enfin ses grands yeux verts pour les poser sur l’incarnation du Fléau.

Voir son éternelle ennemi se dresser stoïquement face à lui emplit Ganon de rage. Dans un mugissement abominable, il chargea la princesse de toute sa puissance destructrice. Ses défenses se heurtèrent brutalement au bouclier de lumière qui auréolait sa proie impassible, et la résonance de l’impact fit trembler la terre elle-même. Le corps de la prêtresse scintilla de milles éclats, forçant Link à protéger ses yeux aveuglés. En réponse à la futile attaque du Fléau, le halo tripla soudain de taille en une vibration terrible. Ganon, sa forme animale trop lente, trop empotée, ne put échapper à l’assaut lumineux ravageur. Le halo emprisonna le monstre bestial en un hurlement de douleur et, une seconde plus tard, son cri se désintégra en même temps que son corps dans un nuage de vapeur de corruption poisseuse.

Mais vaincre une enveloppe créée de toute pièce par son pouvoir ne pouvait suffire à anéantir Ganon. Redevenu l’esprit éthéré qui avait terrassé Hyrule cent ans auparavant, le Fléau toujours puissant s’éleva en criant sa colère aux cieux immobiles. Enragé, il fit brutalement demi-tour et se précipita à nouveau sur la Grande Prêtresse sous les yeux paniqués de Link.

Ganon n’avait plus aucune consistance physique… qui avait le pouvoir de stopper une ombre ?

Zelda, elle, demeura immobile, imperturbable. Avant que le chevalier n’esquisse un pas pour la protéger de cette folie, elle leva lentement la main en un geste futile destiné à stopper l’attaque du démon. Sur sa paume se dessina un symbole parfaitement reconnaissable, un symbole formé de trois triangles imbriqués en un seul, lumineux, étincelant.

Le symbole du Pouvoir du Sceau.

La chaleur écrasante dans sa poitrine terrassa Link, ses genoux heurtant violemment la terre corrompue alors qu’un puissant rayon de lumière pure fusait à toute vitesse sur Ganon. Un grondement effrayant raisonna dans la plaine, des bourrasques de vents dévastateurs s’élevèrent, charriant des odeurs tantôt putrides, tantôt divines. La terre trembla, bouleversée par la quantité monstrueuse de pouvoir qui explosait à sa surface. Link, aveuglé, le corps chahuté par le combat des deux incommensurables puissances devant lui, s’échina à se relever, ses poings serrés broyant la terre sèche entre ses doigts, mais c’était vain. Un simple hylien ne pouvait rien face à un tel déferlement ne faisant de lui qu’un pantin.

La princesse, elle, demeura solidement campée sur ses deux jambes au milieu de la tourmente. Belle, fière, inaccessible.

Le Pouvoir frappa Ganon en plein cœur, stoppant net son assaut dans un énième mugissement. Réalisant l’imminence de sa défaite, le Fléau, blessé, se détourna prestement, et s’élança à toute vitesse à travers les cieux pour tenter d’échapper à cette adversaire devenue soudain trop puissante. La Grande Prêtresse ferma les yeux et bascula la tête en arrière, ses cheveux dansant une danse connue d’eux seuls autour de son visage aux traits doux et impassibles. Deux jets lumineux émergèrent brutalement de ses paumes tendues vers le ciel, et nourrirent la prodigieuse sphère d’énergie qui enveloppait la plaine. Le halo agressif s’intensifia dans un grondement terrifiant, et se lança à la poursuite du monstre de vapeur en emprisonnant toute la Plaine d’Hyrule sous son joug éblouissant. Affolé, Ganon redoubla de vitesse dans un hurlement de désespoir.

Les mortels rayons lumineux se refermèrent sur son corps éthéré.

Le Fléau, enfermé dans un halo de clarté, se figea dans les cieux l’espace d’une seconde, avant de s’évaporer de la surface d’Hyrule, sans un bruit, sans un murmure. Comme s’il n’y avait jamais vécu.

Le halo disparut. Le Pouvoir se tut.

Un silence terrible succéda à la tempête. Link, hébété, se redressa péniblement, et contempla d’un air hagard le vide laissé par son éternel ennemi, sans y croire.

Ganon, le Fléau, était vaincu.

Le ciel, rempli jusqu’alors d’épais nuages noirs, se dégagea. Le soleil darda ses rayons aveuglants sur la plaine silencieuse. Un oiseau, plus téméraire que les autres, s’autorisa une légère trille, ce qui en encouragea un second, puis un troisième. Il n’en fallut pas plus pour que la nature s’emploie de nouveau à émettre les doux bruits de la vie, effaçant de quelques sons innocents le terrible combat qui venait de s’y dérouler pour sa propre survie.

Un frisson secoua Link, la sensation de chaleur disparue en même temps que le terrible halo de lumière laissant un étrange vide dans sa poitrine. L’Épée de Légende encore serrée dans son poing, le bouclier hylien pendant à son avant-bras, le chevalier ne pouvait détourner les yeux du dos de la jeune hylienne. Une jeune hylienne tout ce qu’il y avait de plus commun, incapable d’héberger une telle puissance en son sein s’il ne l’avait pas vue de ses propres yeux. Les rayons du soleil printanier jouaient doucement dans la longue chevelure blonde emmêlée et sale, comme une réminiscence du halo lumineux qui avait nimbé le corps de la Grande Prêtresse, et dont il ne restait plus rien.

J’étais avec toi…

Link tressaillit. Cette voix qui l’accompagnait depuis son réveil, cette voix qui, comme un phare dans la nuit, l’avait guidée pendant plus d’un an à travers Hyrule, et ce jusqu’au dernier instant de ce combat décisif… Il savait qu’elle était celle de la princesse. Il l’avait toujours su. Pourtant, l’entendre par ses propres oreilles et non dans sa tête, lui sembla complètement incongru. Comme si Zelda, en récupérant sa voix, l’amputait d’une partie de lui-même, lui arrachait tous ses maigres repères.

Depuis le début, à chacun de tes pas, reprit-elle.

Démuni, la Lame Purificatrice pendant à son bras créant un sillon dans la terre calcinée, Link s’avança vers elle d’un pas hésitant. Il voulait, il avait besoin de revoir ce visage, ces yeux, espérait que ce regard remplacerait la voix définitivement perdue pour devenir son nouveau guide.

J’ai vu tes efforts, tes succès… tes combats, poursuivit-elle. C’est pourquoi je savais… j’en étais certaine… Je savais que tu affronterais Ganon, et que tu en sortirais vainqueur.

Zelda se retourna.

Les traits sages et doux, la Princesse Royale posa ses yeux d’un vert printanier sur son chevalier servant pour la première fois depuis cent ans. La sensation d’un cocon chaleureux caressa subrepticement Link en un souvenir timide. De longues mèches blondes flottaient dans la légère brise aux senteurs florales qui soufflait sur la plaine, son visage aux pommettes saillantes parsemé de traces de terre et de cendres. Elle était encore vêtue de sa robe blanche de prêtresse, telle qu’il y a un siècle, mais le tulle autrefois vaporeux était raide, taché et déchiré par endroit, la dorure du Sceau Hylien à sa ceinture, noircie par le temps.

Malgré cela, malgré les cent années écoulées, Zelda resplendissait de son incomparable beauté, à la fois douce et fragile. Elle n’avait pas pris une ride, arborant fièrement ses dix-sept ans. Seuls son expression lointaine, et son regard hanté, trahissaient une âme meurtrie, sans âge.

Link, reprit-elle d’une voix douce, héros d’Hyrule, sois mille fois remercié.

Le chevalier frémit et la princesse esquissa un léger sourire tremblant, incertain. Un sourire, qui ne se refléta pas dans ses grands yeux verts où brillait une timide lueur d’espoir.

Est ce que tu… souffla-t-elle. Est-ce que tu te souviens de moi ?

1Issu de Félagi (islandais) : camarade, compagnon.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité