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Petits écrits de la Main Gauche
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Samedi 18 novembre 2023 :

PUBLICATION DU TOME 1 DE CAUGHT IN THE MIDDLE LE 18 NOVEMBRE 2023
Pour s'y retrouver avant la lecture : Avant-Propos The Legend Of Zelda

- Caught in the Middle (fanfiction du jeu Zelda Breath of the Wild) =>
T2 achevé ; T3 en cours d'écriture.

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18 novembre 2023

Chapitre 2 : Un Nouvel Espoir

Le gardien tressaillit  sur ses pattes métalliques pendant une ultime seconde, puis s’écroula sur le sol, toute lueur éteinte. Le combat enfin terminé, elle traversa le nuage de poussière blanche provoqué par l’affrontement et contourna la silhouette indistincte de son ange-gardien rengainant ses armes. Elle s’accroupit devant les restes du monstre de métal, pensive. Une question incongrue traçait son chemin dans son esprit : les gardiens abattus pourraient-ils refonctionner un jour, ou étaient-ils irrémédiablement détruits ? Ils étaient pourtant indispensables pour comprendre comment un être maléfique était parvenu à les corrompre. Après tout, personne n’avait encore compris la nature exacte de cette étrange énergie qui les animait. Ils en savaient si peu de choses ! Ne pas pouvoir les étudier…

Elle secoua la tête pour mettre un terme à ces pensées et se releva avec vigueur en se morigénant. Cette époque était révolue, définitivement morte. Percer les mystères des machines sheikahs était le cadet de ses soucis. Le royaume était en flammes, par Hylia, les prodiges étaient morts, Link était… Était-elle à ce point inconsciente !?

Elle devait faire vite. Déjà trop de temps s’était écoulé. À chaque seconde qui passait, elle avait au moins un mort de plus sur la conscience. Sûrement plus.

Face au portail principal de la Citadelle, la retombée de poussière lui dévoilait progressivement un spectacle macabre. Elle repoussa d’un geste absent la pluie de cendres qui ne cessait d’encombrer ses cils.

Derrière le gardien qui venait de s’éteindre, les carcasses démembrées de quatre de ses congénères s’étalaient lamentablement. À leurs pieds gisaient de nombreux restes témoignant du décès de plusieurs monstres et de nombreux soldats de la garde royale. Un espadon, le pommeau couvert d’une fine poudre grisâtre en un sinistre simulacre de neige, était planté dans les entrailles de l’un d’eux.

Son cœur s’arrêta brutalement de battre, la douleur la poignardant de ses milliers d’aiguilles insidieuses. Un long manteau bleu roi brodé d’or et tâché de sang reposait sur les pavés, ainsi que, renversée, brisée, les restes d’une couronne. Une couronne dont la feuille d’or recouvrant l’oiseau d’Hyrule luisait incongrûment au milieu des cendres.

Ses genoux heurtèrent violemment le sol, son corps secoué de sanglots déchirant qu’elle ne pouvait pas contenir. Ô par Hylia, elle était désolée, tellement désolée !

Alors qu’elle se noyait dans la noirceur du remords et du chagrin, une main douce recouvrit son épaule tremblante, et l’étreignit.

 

 

Link passa le fourreau aux ciselures dorées par-dessus son épaule et resserra la sangle de cuir en un geste précis. Il s’empara de l’épée bleutée posée sur la table de ferme adjacente pour la glisser dans l’étui en un grincement métallique. Alors qu’il laçait ses brassards de poignets, il jeta un œil vers le palier de la mezzanine, le regard assombri par l’inquiétude.

La maison avait subi quelques aménagements ces dernières semaines dans le but d’améliorer leur quotidien. Link n’avait pas tenu compte des objections de Zelda et s’était installé sous l’escalier. Il y avait glissé un simple lit de bois brut et une petite table où reposait la majorité de ses affaires, l’ensemble étant protégé des regards par un épais rideau beige. Ainsi seulement il se sentait en capacité de protéger la princesse en cas d’intrusion. Et puis, avoir un grand espace pour lui seul pendant que la princesse dormait dans un recoin lui paraissait… inconvenant.

Zelda jouissait donc de l’intégralité de la mezzanine pour son seul usage. Link y avait dressé de lourdes tentures rouges sombres afin d’offrir à la jeune hylienne un semblant d’intimité. Mais ces maigres protections n’empêchaient pas le chevalier de l’entendre remuer au cœur de la nuit, gémissant sous l’emprise de ses cauchemars ou vaquant à ses activités pour occuper ses insomnies. Ces longues heures éveillées, elle les passait souvent à la seule lueur d’une bougie, comme autrefois dans son étude personnelle. Link l’imaginait sans difficulté penchée sur le petit bureau de bois à écrire des lignes et des lignes de son histoire ou de ses recherches, ou encore assise sur le lit à contempler le paysage à la clarté lunaire.

Discret, le chevalier n’avait jamais avoué qu’il suivait consciencieusement le calendrier de ces errances nocturnes. Il pointait leurs fréquences, notait que celles-ci étaient souvent suivies d’après-midis solitaires face à la vallée, et s’assurait que la jeune hylienne parviennent régulièrement à effectuer quelques nuits complètes. En somme, Link veillait.

Cette nuit, Zelda n’avait pas dormi, ou très peu. Il avait entendu son pas léger à l’étage au-dessus de lui, errant du bureau à la fenêtre et de la fenêtre au lit. Lorsqu’il avait vu l’aube poindre par la fenêtre en face de lui, il s’était levé, abandonnant l’idée d’un sommeil réparateur, et s’était consciencieusement préparé pour la journée. Zelda, elle, n’était toujours pas descendue, bien qu’il l’entendait s’agiter à l’étage.

Elle écarta finalement la lourde tenture d’une main et apparut sur le palier. Ses longs cheveux blonds étaient noués en une tresse épaisse dont quelques mèches rebelles s’échappaient. Elle avait revêtu la même robe de laine que la veille, mais en gris. Cette couleur contrastait avec son visage de marbre blanc aux traits tendus, et lui conférait une aura triste et terne.

Elle descendit l’escalier d’une démarche qui ne pourrait jamais la faire passer pour une villageoise. Ses yeux verts aux paupières rougies par l’insomnie étaient tournés vers son chevalier. Son regard… son regard réveilla soudain quelque chose dans la mémoire fragmentée de Link, quelque chose…

Vous êtes officiellement responsable de sa santé et de sa sécurité, et vous m’en répondrez personnellement. Non seulement parce qu’il s’agit de ma fille, mais parce que la princesse est notre seul espoir de vaincre Ganon et d’éviter la destruction du Royaume. La destruction d’Hyrule.

Cette voix tonitruante et autoritaire, Link la reconnaissait sans la moindre difficulté. Rhoam n’avait pas pour habitude de chercher la discrétion, et il pouvait se faire entendre d’un bout à l’autre de la Citadelle sans avoir besoin du moindre artifice.

Le grincement des lourdes portes du palais attira l’attention du roi et un léger sourire étira son imposante barbe blanche.

Relevez-vous, jeune Link. Voici justement votre protégée.

Une silhouette menue apparut sur le seuil, dessinant les contours d’une jeune fille aux longs cheveux blonds et au teint pâle.

Link ?

Le chevalier secoua légèrement la tête pour reprendre pied dans le présent. La princesse se tenait devant lui, l’air soucieux, et la sensation de déjà-vu perdura encore pour quelques instants fugaces.

Pour votre information, ma fille a clairement indiqué son désaccord quant à votre présence à ses côtés. Vous devrez vous en accommoder.

Le roi laissa le chevalier sur ces propos peu rassurants et partit à la rencontre de la princesse qui descendait les marches d’un air impassible…

Un souvenir, répondit brièvement le jeune hylien en s’efforçant de renvoyer celui-ci à l’abîme d’où il venait.

Zelda afficha un air surpris.

Lequel ? demanda-t-elle, incertaine.

Link écarta la question d’un haussement d’épaules, une moue se dessinant sur ses lèvres fines tandis qu’il finissait d’attacher son bras d’armure. Zelda hésita entre insister pour en savoir plus, et laisser le brouillard envahir à nouveau cette partie de leur histoire. La curiosité fut la plus forte.

Et… ça t’arrive souvent ? demanda-t-elle doucement.

Link leva les yeux sur elle. Hésita.

Parfois.

Zelda ne sut ce qu’elle pouvait ajouter tant la réserve du chevalier était palpable. Link profita de sa réticence pour se diriger vers la porte de son pas lest, et la princesse n’eut d’autre choix que de remettre ses questions à plus tard.

Une fois dehors, elle s’avança la première jusqu’au pont de bois avant de s’interrompre. Elle sentait la présence de Link juste derrière elle, ombre rassurante dont elle n’imaginait plus se passer aujourd’hui. Cependant…

Tu ne peux pas rester deux pas en arrière comme ça, dit-elle en se retournant.

Le jeune hylien la regarda stoïquement, sans comprendre.

C’est la position d’une personne de haut rang et de son garde personnel. Ce n’est plus notre cas.

Elle marqua un moment d’arrêt, les sourcils froncés.

D’ailleurs, qui suis-je pour les gens du village ?

Une légère rougeur envahit les joues du jeune hylien et il détourna prestement le regard. Devant sa gêne massive, une pensée, incongrue, impossible, étrange, fit son chemin dans la tête de la princesse.

Link, l’interpela-t-elle en faisant un pas vers lui, intriguée. Qui suis-je pour eux ? Ne me dis pas qu’ils s’imaginent que…

Elle n’aurait pas cru cela possible. Pourtant, la rougeur sur les joues de Link empira bel et bien. En comparaison, la couleur des champis d’Hyrule serait passé pour un rose insipide.

Réalisant ce que cela signifiait, Zelda demeura un instant interdite, partagée entre l’étrange sensation que cette idée provoquait chez elle et un sentiment d’hilarité. Elle se délesta d’un léger rire et fort heureusement, sa réaction eut le bénéfice d’atténuer le mal-être du chevalier.

Ce n’est peut-être pas un mal, le rassura-t-elle du mieux qu’elle put, agrémentant le tout d’un sourire. Que les villageois nous pensent mariés est peut-être le meilleur moyen d’éviter qu’ils découvrent qui je suis réellement ! Mais cela confirme ce que je disais, Link : aucun couple ne se promène avec le mari en arrière et la femme devant !

À moitié soulagée de ce dénouement et à moitié encore incrédule – après tout, elle aussi aurait besoin de temps pour se faire à l’idée – Zelda s’engagea sur le pont. Elle effectua quelques pas avant de s’arrêter à nouveau, un petit sourire mutin juché sur ses lèvres fines, et lança par-dessus son épaule :

Et un mari tutoie sa femme, Link, il va falloir t’y faire !

Malgré ces précautions, les deux jeunes hyliens ne manquèrent pourtant pas de se faire remarquer durant leur traversée du petit bourg qu’était Elimith. Link n’eut de cesse de guetter les moindres recoins du village d’un œil vigilant et posait un regard scrutateur sur chaque passant. Zelda tentait de rectifier cet étrange comportement par des sourires avenants, mais elle s’aperçut rapidement de l’effet inverse. Un petit nerveux avec une jeune hylienne tout sourire à ses côtés, rien de mieux pour attirer l’attention et faire jaser durant une semaine.

Agacée, elle finit par saisir le coude de Link d’un geste autoritaire, emmêlant leurs bras pour lui murmurer de cesser son manège et de se tenir tranquille. Le jeune hylien se raidit, affichant un air impassible teinté d’une légère rougeur aux joues. Zelda n’était pas sûre de la raison exacte de cette réaction, mais elle le rendait presque naturel, et ce résultat seul lui importait.

Une fois rendue à proximité du Laboratoire, le pas de la princesse se fit plus hésitant. Elle ralentit peu à peu jusqu’à s’arrêter à quelques mètres de leur destination. Elle n’était pas sûre d’être prête à affronter ce qui se trouvait derrière cette porte. Être face à une version vieillissante et courbée de sa jeune amie pétillante de vie dans son dernier souvenir lui semblait une montagne impossible à gravir. Elle ne parvenait pas à s’imaginer une vieille dame l’accueillant à coup de « Ouistiti ! ».

À peine cette pensée l’eut-elle traversée que le battant de la porte du laboratoire s’ouvrit avec fracas, claquant vers l’extérieur.

OUISTITIIII !!!! hurla une petite fille à lunettes.

Elle accourut vers la princesse en un cri suraiguë.

Vous êtes enfin venuuuus ! J’ai cru que cette attente allait durer une éteeeeernité ! Pourquoi avoir traîné comme ça ? C’est ce fichu Canel qui m’a retenu d’aller vous botter le derrière !

Elle saisit les deux mains de la jeune hylienne qui écarquillait les yeux, ébahie, et se mit à danser tout autour d’elle.

Vous avez réussi ! Vous l’avez vaincuuuuu ! Et t’as récupéré la princesse !! Tout est bien qui finit bien, non ?

Elle s’arrêta brutalement dans ses gesticulations sans fin et se tourna vers Link, les yeux plein d’espoir.

Dis moi que la tablette t’as aidé à affronter Ganon ! Tu as pu le prendre en photo avant de lui faire la peau ? J’adooorerais avoir une image du Fléau encadrée dans mon laboratoire… Il faut que tu me racontes en détail comment tu as fait ! Et…

Pru’ha ? l’interrompit prudemment Zelda, incertaine.

La fillette fit volte face, une moue surprise sur ses traits d’enfant.

Évidemment, qui veux-tu que je sois ? Link…

Elle reporta à nouveau son attention sur le jeune hylien, l’air contrarié, les deux poings sur les hanches.

Tu ne lui as rien dit de mon expérience un peu trop réussie c’est ça ?

Elle se tourna à nouveau vers la princesse, volubile.

Ce garçon n’a pas changé en cent ans ! Il faut toujours lui arracher les mots de la bouche ! Un peu plus insolent peut-être... Heureusement que tu es revenue pour faire la causette, tout seul, ce type est d’un eeeeennuuuui ! Je n’arrive toujours pas à comprendre ce qu’elle lui trouve, d’ailleurs…

Les joues de Zelda prirent une teinte légèrement rosée et elle évita soigneusement le regard intrigué que lui adressait Link.

Viens voir tooouuut ce que j’ai découvert en un siècle ! s’exclama Pru’ha en tirant Zelda par la main d’un air décidé. Tu es toujours intéressée par les civilisations antiques n’est-ce-pas ? Et il faut que tu me racontes ce que tu as fait pendant cent ans… parce que t’es comme Link, t’as pas pris une ride ! Autant moi, je sais pourquoi… Qu’est ce que t’as fricoté pendant tout ce temps avec Ganon ? T’as pu lui tirer les vers du nez sur ses origines ? Parce que j’ai trouvé des notes datant de la tooooute première civilisation sheikah et…

Le monologue incessant de Pru’ha s’éloigna alors qu’elle s’engouffrait dans le laboratoire en y traînant une princesse désarmée. Link haussa les épaules, à peine surpris du comportement de la scientifique, et leur emboîta le pas. Mais où se cachait donc ce bon vieux Canel ?

Deux heures plus tard, le chevalier piquait du nez. Accoudé contre le mur de pierre froide, il écoutait d’une oreille distraite la discussion animée des deux érudites devant la pierre-guide. Non pas que l’origine des reliques sheikahs et leur fonctionnement ne l’intéressaient pas, mais Pru’ha et Zelda parlaient un langage qui lui était totalement étranger. Simple soldat devenu Porteur de l’Épée, Link n’avait rien d’un savant lorsqu’il avait rencontré la princesse. Par la suite, il avait écouté, beaucoup, et il avait appris bien des choses à force de la côtoyer. Mais en cet instant, les deux érudites évoquaient des spécificités qui lui demeuraient absconses, et la nuit passée à veiller sur l’insomnie de Zelda n’aidait en rien sa concentration.

Le visage de Canel apparut enfin sur le pas de la porte et Link en ressentit une profonde gratitude. Le vieil hylien, peu désireux d’attirer trop fortement l’attention de son irascible petite maîtresse, l’enjoignit à le suivre au dehors d’un mouvement de tête. Le chevalier eut une légère hésitation. Depuis leurs retrouvailles, il rechignait toujours à l’idée de s’éloigner de Zelda plus que nécessaire, aussi idiot que cela paraisse.

La jeune hylienne nota bien cette réticence du coin de l’œil, et hocha légèrement la tête d’assentiment avant qu’il ne sorte. Bien évidemment, Pru’ha ne rata pas cet échange muet. Et Pru’ha était tout, sauf muette.

Alooors, quand est ce que vous vous y mettez tous les deux ? demanda-t-elle soudain en interrompant brutalement leur conversation précédente.

La princesse s’empourpra, peu sûre du véritable sens de la question.

De quoi parles-tu ? s’enquit-elle prudemment.

Eh bien, de la reconstruction d’Hyrule ! s’exclama Pru’ha avec évidence. Maintenant que Ganon est à nouveau scellé pour une petite éternité ! J’ai déjà réfléchi à des taaaaas d’améliorations pour reconstruire le château. L’ancien avait du charme c’est vrai, mais faut moderniser quand on reconstruit ! Attends un peu, où est-ce que j’ai mis ces plans déjà… je suis sûre que Canel…

Je ne vais pas reconstruire Hyrule, Pru’ha, l’interrompit Zelda d’une voix calme mais assurée.

La petite fille ouvrit d’énormes yeux effarés derrière ses lunettes grossissantes.

PAS RECONSTRUIRE HYRULE ? s’exclama-t-elle d’une voix suraiguë en sautant au plafond.

Zelda poussa un profond soupir. Elle descendit de l’estrade où se dressait la pierre-guide d’un pas lent pour aller s’asseoir près de la grande table encombrée au milieu du laboratoire.

Le sujet semble encore souffrir d’une certaine désorientation quelques semaines après son… comment appeler ça, ouistiti !! Impossible de savoir ce qu’elle a fabriqué pendant un siècle ! Son épreuve ? Son épreuve...

Qu’est ce que tu fais Pru’ha ? interrogea Zelda en pivotant vers elle, les sourcils froncés.

Hein ? Qui ? Moi ? fit la concernée, un calepin se volatilisant comme par magie. Rien du tout. Je prends juste des notes, déformation professionnelle !

Je ne suis pas désorientée, Pru’ha, je suis lucide. Le Royaume d’Hyrule a été détruit il y a cent ans, la monarchie a été enterrée avec lui. Je n’ai plus aucun droit sur cette terre.

Mais… Mais tu es la PRINCESSE !

J’étais la princesse, reprit Zelda avec une certaine autorité. Aujourd’hui qui se souvient de moi ? Et même si je le voulais…

Elle soupira à nouveau et ses épaules s’affaissèrent. Elle posa son regard sur la surface de la table à laquelle elle était accoudée, sur ses doigts redessinant paresseusement les rainures du bois. Doucement, un trait lumineux apparut dans le creux de sa main, son dessins retraçant progressivement les courbes délicates d’une aile, puis de deux. Lorsque le papillon de lumière s’anima enfin sur sa peau, Zelda s’arracha un sourire soulagé, la chaleur rassurante du Pouvoir du Sceau canalisant momentanément ses tourments intérieurs. Hylia, sentir cette puissance palpiter en elle était si enivrant, si doux…

Même si je le voulais, reprit-elle d’une voix plus contrôlée, son regard rivé sur la danse du papillon sur ses phalanges, je n’ai aucun moyen d’y parvenir. Reconstruire un royaume demande des alliés, Pru’ha, et surtout des rubis. Je n’ai plus rien de tout ça, tous mes alliés sont morts il y a cent ans. Et le Trésor Royal n’existe tout simplement plus.

Avec une pointe de regret, elle ferma le poing, l’insecte de lumière s’évaporant dans une pluie d’étincelles, et reporta son attention sur la petite fille aux cheveux blancs. Celle-ci observait la paume de sa main – à présent vide – sous ses paupières tombantes, ses doigts tenant son menton avec réflexion.

J’ai accompli mon devoir avec un siècle de retard, Pru’ha. Aujourd’hui j’en paye le prix….

Sa voix se brisa et Zelda se mordit la lèvre, tentant de contenir son émotion.

Link est tout ce qu’il me reste à présent, murmura-t-elle, les yeux baissés.

Plongée dans ses tourments, il lui sembla que seul le silence lui répondait. Jusqu’à ce qu’un petit grattement...

Le sujet montre une tendance dépressive… marmonnait la fillette.

Pru’ha !

Rien du tout ! s’exclama la sheikah en faisant disparaître à nouveau ses notes dans les airs. Puis tout ça, c’est des fadaises. Montre-toi et tout Hyrule t’acclamera ! Quant à Link, rassure-toi, maintenant il va te coller encore plus aux basques qu’avant ! Si tant est que ce soit possible… ils étaient déjà pires que des bébés chuchus ces deux-là !

Pru’ha descendit de l’estrade et s’avança d’un pas énergique en direction d’une table de travail située à l’opposée de la grande pièce encombrée.

Mais si seulement ils pouvaient se remettre à se houspiller de temps à temps, c’était quand même plus marrant…

Zelda leva les yeux au ciel. Pru’ha pensait-elle vraiment que personne n’entendait ou s’en contrefichait-elle simplement ?

Puisque le Royaume va devoir attendre que tu récupères ta tête, reprit la fillette en se hissant sur sa chaise, remuant des papiers en tout sens pour ajouter au chaos ambiant, qu’est ce que tu dirais de te joindre à moi pour quelques petites expériences archéoniques, heeiiin ? Je sais que Link a ouvert le sanctuaire, dans le village. Et il y a plusieurs choses que je voudrais…

Zelda n’écoutait déjà plus le babillage de Pru’ha. Vivre ici, à Elimith, faire des expériences scientifiques, avec Link auprès d’elle... Et si c’était ça, son avenir à présent… Lui déplairait-il vraiment ?

Ne serait-ce pas cela sa récompense, après tout, plutôt que sa sentence ?

 

 

En fin d’après-midi, les deux hyliens quittèrent le laboratoire avec l’affreuse sensation d’avoir été passés à l’essoreuse.

Pru’ha s’était montrée intarissable sur tous les sujets, mais elle cherchait surtout le moindre indice sur la façon dont Zelda avait vécu ses cent dernières années. Ce à quoi la princesse avait opposé une farouche résistance qui l’avait laissée épuisée. Link semblait pour le moins tout aussi fatigué. Ce n’était pas la première fois que Zelda le soupçonnait de demeurer éveillé en même temps qu’elle, même si tout compte fait, elle l’avait toujours vu peu dormir. Lorsqu’ils voyageaient tous deux à travers Hyrule et passaient la nuit dans des relais, Link s’endormait après elle et s’éveillait avant. À l’époque, elle avait associé ce comportement à la vigilance constante dont il devait faire preuve, mais à la réflexion…

Ils descendirent la colline du laboratoire, le chevalier reprenant sa bonne vieille habitude de rester légèrement en retrait de la princesse. Mais cette fois-ci, cela la satisfaisait, comme si intuitivement, Link avait répondu à son besoin de solitude.

Pourquoi le chevalier ne l’avait-il pas prévenu de l’impossible retombée en enfance de Pru’ha, par toutes les déesses ? Pourquoi ne l’avait-il pas protégé de cette découverte surprise, perturbante au point d’en être désagréable ?

Zelda lui en voulait tellement de s’être tu, de ne pas l’avoir averti avant. Pourquoi l’avoir mise ainsi devant le fait accompli ? N’avait-elle pas subi assez d’épreuves pour qu’il lui en crée de nouvelles ainsi sans raison ?

Malgré le temps passé ensemble, la princesse était encore bouleversée par l’apparence improbable de son amie, sans parler de son comportement. Pendant leurs échanges, Pru’ha n’avait cessé d’osciller entre une grande maturité, l’érudition, et des réactions infantiles, rendant ses raisonnements des plus difficiles à suivre. Elle avait certes toujours eu une attitude pour le moins atypique, mais celle-ci semblait renforcée par son rajeunissement. Et pourtant, Pru’ha était de ceux qui faisaient immanquablement sourire la princesse, auparavant.

Les années n’avaient surtout en rien émoussé l’intelligence de la savante. Éviter de lui fournir le moindre indice sur son passé avait demandé à Zelda de véritables prouesses d’équilibriste. Sensible à sa détresse, Link avait fini par les interrompre, les extrayant quasiment de force du laboratoire au prétexte d’emplettes à accomplir avant la tombée de la nuit.

Par le plus grand des hasards – ou pas – il avait visé juste. Et aussi déplacé que cela puisse être, la prévenance dont il avait fait preuve ulcérait encore davantage la princesse.

Ruminant ces sombres pensée, Zelda s’arrêta un peu en surplomb du village, au niveau d’un vieux chêne qui abritait un petit tabouret et une lanterne à la flamme bleutée. Bras croisés, elle parcourut des yeux les habitations à ses pieds enveloppées de la lueur dorée du crépuscule en attendant que son chevalier la rejoigne.

Link, où se trouve le magasin de vêtements ? lui demanda-t-elle d’une voix monotone, le regard rivé devant elle.

Le jeune hylien se rapprocha d’elle, et, épaule contre épaule, il étudia rapidement son profil fermé, sa posture rigide. Il la sentait distante, et savait qu’il n’allait pas tarder à en connaître la raison.

Chez Sophora, indiqua-t-il en désignant du doigt une maison à peine visible à l’entrée du village.

Sophora ? Tu la connais ? renchérit Zelda avec un accent accusateur. Tu n’as jamais été du genre à discuter avec les vendeurs pourtant.

Pour toute réponse, Link haussa les épaules.

La jeune hylienne retint une remarqua acerbe, parfaitement consciente de la puérilité de sa réaction guidée par la colère. Par Hylia, Link pouvait anticiper le moindre de ses besoins avec un sixième sens épatant, tout en étant incapable de lui communiquer les informations les plus cruciales ! N’était-ce pas rageant ?

Pourquoi ne m’as-tu pas avertie pour Pru’ha ? lui demanda-t-elle enfin brutalement, tout en refusant toujours de le regarder.

Le jeune hylien garda le silence, réfléchissant à la meilleure réponse à apporter. Ce laps de temps suffit à ce que Zelda perde patience.

Je n’ai vraiment pas apprécié la surprise, Link ! Vraiment pas ! s’exclama-t-elle d’une voix sévère en se tournant pour la première fois vers lui. Si ça t’amusait, garde cet humour douteux pour toi !

Le chevalier marqua un instant d’arrêt, observant ce regard noir qu’il avait suscité bien des fois par le passé. Alors il réagit comme il l’avait toujours fait. Il se raidit et hocha la tête d’un coup sec pour accepter la réprimande, tel le soldat mis à l’amende par son supérieur.

La réponse si protocolaire de Link fut comme un coup de poignard dans la poitrine de Zelda. Le voir si éloigné d’elle lui retourna l’estomac et éteignit l’embrasement de sa colère comme une couverture jetée sur des braises. Soudain très lasse, elle ferma les yeux et les recouvrit de sa main, les épaules basses.

Excuse-moi, Link, je ne sais plus où j’en suis, murmura-t-elle en se laissant tomber sur le tabouret. C’est seulement…

Seulement qu’elle se sentait seule, perdue, désemparée, désespérée ? Aucun des mots qui lui traversait l’esprit ne semblait convenir. Elle ne souhaitait qu’une seule et unique chose dans l’immédiat mais... elle occulta cette pensée. À la place, elle posa un regard attristé sur le jeune hylien, et reprit d’une voix quelque peu enrouée :

Cent ans se sont écoulés sans moi, Link, et je commence à peine à en mesurer les conséquences. Après tout ce qui nous est arrivé, la voir comme ça, c’était… Je ne peux pas, Link, je n’y arrive pas.

Le jeune hylien l’observa, les bras ballants, dépassé par la situation et les changements d’humeurs brutaux de la princesse. Il les avait déjà expérimentés auparavant, et Zelda n’avait jamais eu la réputation d’avoir un caractère facile. Mais il ne l’avait que rarement vu aussi instable. Enfin, dans les quelques souvenirs à sa disposition, du moins.

Il s’approcha d’un pas hésitant et s’accroupit lentement à ses côtés, prêt à bondir en arrière au premier signe de rejet de la princesse. Mais celle-ci ne quittait pas des yeux le village, et il se détendit. Légèrement.

J’essayerai, dit-il d’une voix sourde.

Zelda reporta son attention sur lui, lui adressant un sourire de remerciement. Ses yeux étaient humides. Le cœur de Link se serra mais il resta figé, les mains triturant un brin d’herbe. Il était incapable de déterminer ce qu’il pourrait bien faire pour apaiser les tourments de sa protégée.

Fermant les yeux, Zelda puisa son apaisement dans la chaleur du Pouvoir comme par réflexe. Sous les yeux émerveillés de Link, les contours délicats d’une chrysalide scintilla peu à peu dans les airs, ses contours comme dessinés à la plume lumineuse, et duquel éclos dans une petite gerbe d’étincelles un splendide papillon que les reflets orangés du crépuscule rendait plus chaleureux encore que d’habitude.

L’espace de quelques minutes, les deux jeunes gens laissèrent un silence serein les envelopper que seuls quelques trilles d’oiseaux osèrent déranger. Le regard rivé sur l’horizon, son ami papillon tournoyant autour d’elle, Zelda se nourrissait simplement de la présence encore irréelle de son chevalier à ses côtés, y puisant un sentiment de sécurité et de bien-être qu’elle ne trouvait plus nulle part ailleurs depuis très longtemps. Depuis la mort de sa mère, peut-être.

J’aurais besoin d’une nouvelle tenue, dit-elle à mi-voix.

Elle se retourna pour voir le visage de Link levé vers elle, à l’écoute, et elle afficha un sourire.

Pru’ha m’a proposé de l’aider dans quelques expériences, mais je me vois mal le faire en robe.

Elle s’interrompit en voyant son chevalier froncer les sourcils au mot « expérience » . Elle lâcha un petit rire, laissant se dissiper le Pouvoir dans ses veines en même temps que le papillon dans les airs.

Ne t’inquiète pas, ce n’est rien de dangereux. Pru’ha souhaiterait que je me rende au sanctuaire et que je lui rapporte exactement tout ce qui s’y trouve, et son fonctionnement. Et puis, tu seras avec moi, n’est-ce-pas ?

Link confirma d’un mouvement de tête, davantage concentré sur le sourire de la jeune hylienne que sur le sens de ses mots. Zelda se releva, ayant recouvré une certaine assurance dans sa démarche, comme si une partie du poids qui l’épuisait s’était volatilisé.

Allez viens, je voudrais pouvoir retoucher ma nouvelle tenue dès ce soir.

Ils reprirent leur route côte à côte, et arrivèrent rapidement devant l’auberge Agueil. Accoudé au montant de l’abri à chevaux, Link aperçut le jeune Hamel. Le fermier veillait toujours jalousement sur la sortie de l’auberge, guettant Onag ou scrutant ses éventuels prétendants. Le chevalier le salua du menton alors qu’il les examinait suspicieusement.

Oh c’est toi le jeune freluquet ! dit-il de sa voix un peu nasillarde. Te voici en belle compagnie ! J’avais raison de me méfier, je savais qu’il plaisait aux femmes celui-là… Il ne doit pas approcher de mon Amour !

Link fronça les sourcils en voyant Hamel inspecter Zelda de haut en bas d’un air étrange. En un réflexe possessif, il saisit la main de la princesse et la posa fermement sur son avant-bras. Un peu surprise, la jeune hylienne eut le plus grand mal à retenir un sourire amusé.

Comment va Onag ? demanda Link.

Onag ? Pourquoi est-ce-que tu me parles d’Onag ? Qu’est-ce que tu lui veux ?

Link secoua la tête sous le ton agressif, blasé par la fixation désespérée du fermier.

Vous lui ressemblez beaucoup, susurra une voix usée derrière eux, détournant subitement l’attention de Zelda de la conversation.

Assise sur un tabouret de bois sous le couvert d’un grand arbre, se tenait une vieille dame au dos voûté et au regard sage.

Excusez-moi ? interrogea Zelda, les sourcils froncés.

À la Princesse Royale. Vous lui ressemblez.

La jeune hylienne sentit son cœur s’arrêter. Les yeux rivés sur l’ancêtre, elle se détacha de Link qui subissait l’étrange conversation à sens unique de Hamel et s’approcha.

Ma mère avait réussi à obtenir un portrait d’elle, vous savez, reprit l’aïeule avec un sourire édenté. Ooooh c’était il y a bien longtemps, quand elle était petite fille, mais c’était son bien le plus précieux. Vous savez qu’elle est venue ici ? La princesse, je veux dire… C’était peu de temps avant que n’arrive la Grande Calamité.

Subjuguée, Zelda s’agenouilla à côté d’elle sans la quitter des yeux.

Mes grand-parents avaient emmenés ma mère la voir. Elle me disait sans cesse, « Florène, c’était le plus beau jour de ma vie ! » Le soir, quand je n’arrivais pas à dormir, elle me racontait comment la princesse avait accepté la fleur qu’elle avait cueilli pour elle, et lui avait baisé le front… Elle l’aimait tellement qu’un peintre du coin lui en avait fait un petit portrait, qu’elle emmenait partout avec elle. Je l’ai mis dans sa tombe quand elle nous a quitté.

Un sourire attendri glissa sur les lèvres de la vieille dame en regardant Zelda.

Oui, j’ai si souvent regardé ce portrait… vous lui ressemblez trait pour trait. Elle était très belle, et semblait pourtant si triste ! La pauvre enfant, quand on y pense, si jeune et avoir le poids de tout un royaume sur les épaules… Le sort ne l’a pas épargnée, c’est certain… Mais si cent ans ne s’étaient pas écoulés, j’aurais pu jurer… Vous connaissez la nouvelle je suppose ? Le Fléau a été vaincu, pas plus tard que le mois dernier. Et ça, c’est grâce à la princesse. Durant cent ans, elle l’a contenu dans les murs de la Citadelle, cent ans ! Maintenant il n’est plus, mais personne n’a entendu parler d’elle… La pauvre a dû succomber avec ce démon. Mais c’est grâce à elle, à son sacrifice, si notre village est prospère aujourd’hui ! J’en suis certaine, peu importe ce que racontent ces jeunes impudents ! s’exclama-t-elle avec véhémence. Allez, cessez d’écouter les souvenirs d’une vieille dame. Vous êtes bien gentille... Votre mari a l’air sacrément empêtré avec ce garnement de Hamel !

Zelda n’écoutait plus que d’une oreille les propos de l’aïeule. Elle se souvenait… Cette petite fille qui lui avait offert une Princesse de la Sérénité, cette fleur si rare et si belle, dans ce petit village perdu qu’était alors Elimith. Ils y avaient fait étape lors de ces trop nombreux voyages effectués à la demande de son père pour tenter d’apaiser un peuple de plus en plus mécontent et inquiet. Le roi espérait qu’en rencontrant la princesse, les hyliens seraient rassurés et ne murmureraient plus, ou moins, que la Famille Royale faillait à ses responsabilités. Ce voyage jusqu’à Elimith, lui, avait eu lieu très peu de temps avant que Zelda ne fête ses dix-sept ans… Si peu de temps avant que tout ne bascule.

Célène… murmura-t-elle, le regard perdu dans le vague.

Vous connaissez le nom de ma mère ? s’exclama Florène avec de grands yeux surpris.

Zelda lui sourit tendrement, posant une main douce sur celle ridée et tremblante de l’ancêtre, puis elle se releva et déposa un baiser sur son front, comme elle l’avait fait à une petite fille, autrefois. La vieille dame ne la quittait pas des yeux tandis qu’elle se reculait, son expression ébahie indiquant qu’elle assimilait doucement la véritable identité de l’hylienne qui se tenait devant elle.

Zelda serra sa paume entre les siennes.

Ce sera notre secret, Florène, murmura-t-elle d’une voix douce. Vous me promettez ?

La vieille dame lui adressa un sourire humide, enlaçant leurs mains avec une émotion à peine contenue.

J’emporterais votre secret dans ma tombe, votre altesse. Ce sera un honneur, chuchota-t-elle avec ferveur.

Un raclement de gorge retentit derrière Zelda et elle se redressa rapidement.

Link, enfin débarrassé de cet énergumène de Hamel, tentait d’attirer l’attention. Il s’était retrouvé bien embêté. Le prénom Zelda était par trop emblématique pour pouvoir dissimuler l’identité de la princesse, et ils n’avaient défini d’aucun nom d’emprunt.

L’émotion qui brillait dans les yeux de sa protégée interrogea le jeune hylien, l’inquiéta même un peu. Zelda lui tendit une main qu’il saisit avec raideur, et elle l’amena devant la vieille dame.

Florène, je vous présente Link, dit-elle d’une voix douce.

On s’est déjà rencontré, jeune hylien ! Oh mais, alors, serait-ce… ?

L’aïeule questionna Zelda du regard, qui acquiesça doucement.

Le Prodige, oui.

Puis se tournant vers Link qui observait la scène avec circonspection :

Sa mère se souvenait de nous, une fois où nous sommes venus rencontrer les gens d’Elimith. Florène a grandi avec le récit de cette journée… et un portrait de la princesse.

Mais, je ne comprends pas, reprit la vieille dame en les regardant, les sourcils froncés. Ma mère n’a jamais évoqué votre mariage dans le temps, je m’en souviendrai…

Zelda s’amusa de la rougeur qui envahit les oreilles de Link à ses côtés. Pas sûre qu’elle se lasse un jour du malaise que ce sujet provoquait chez lui.

Nous ne le sommes pas, lui répondit-elle. Disons juste que… C’est plus simple de ne pas détromper les gens à ce sujet.

Aaaaah… Je me disais aussi, j’aurais été surprise d’oublier un tel évènement ! Vous faites bonne illusion, rit la vieille dame en pointant du doigt les mains toujours liées des deux hyliens.

En un réflexe, Link voulut s’en dégager mais Zelda le retient fermement. Elle poussa même jusqu’à passer sa main sur son coude et à s’y agripper.

Que la bénédiction d’Hylia vous accompagne, Florène, dit-elle avec bienveillance.

Soyez bénis, Héros d’Hyrule, Votre Altesse, souhaita l’aïeule en inclinant la tête avec respect. Et n’ayez crainte, votre secret est bien gardé !

Link et Zelda s’éloignèrent sans un mot, la jeune hylienne toujours accrochée au coude de son chevalier. Ils traversèrent le petit pont de bois qui surplombait le ruisseau. Zelda jeta un coup d’œil derrière eux et vit le jeune Hamel qui les observait toujours avec suspicion.

Tu peux m’expliquer ce que c’était que ça ? s’enquit-elle auprès de Link en un murmure qu’elle souhaitait discret.

Il leva un sourcil interrogatif.

Cet étrange garçon à qui tu parlais…

Hamel est amoureux de l’aubergiste.

Voyant que le chevalier s’apprêtait à s’arrêter là dans son récit, la princesse le poussa à poursuivre.

Et ?

Il croit que je veux la lui voler, répondit Link en haussant les épaules.

La jeune hylienne lâcha un ricanement amusé, ses pensées retournant à Florène malgré elle. La ferveur dont elle avait fait preuve à l’égard de la Princesse Royale l’avait plus troublée qu’elle n’osait se l’avouer. Réservant ses démons à la solitude de la nuit tombée, elle jeta un nouveau regard en arrière, puis vers Link, avant de se pencher à son oreille.

Et si tu m’avais présentée comme étant ta femme ?

Elle sourit pleinement devant la nouvelle gêne du jeune hylien alors qu’il rejetait l’idée d’un vif mouvement de tête.

Pour teindre les vêtements, dit-il précipitamment en indiquant une bâtisse d’où pendait l’inscription « Au Levant ».

Zelda nota le rapide changement de conversation et ne put retenir un léger rire. Non, c’était assuré, elle ne s’en lasserait pas. Ni de sa réaction, ni des sensations que cela provoquait chez elle. La princesse observa la boutique. Dans la pénombre, elle aperçut un petit hylien malingre au torse nu sous un tablier bariolé et aux cheveux rouges. Excentrique, pour le moins qu’on puisse dire !

Ils poursuivirent leur marche lente, bras dessus bras dessous, au milieu des passants de plus en plus rares dans la nuit tombante. Cela n’empêchait pas les retardataires de les épier du coin de l’œil, les femmes surtout, en quête du moindre petit ragot inédit à leur sujet.

Aussi étrange que cela paraisse, cette promenade anodine dans le village au bras de Link apaisait Zelda. Florène ne parlerait pas, elle en était certaine. C’était comme si, pour la première fois de sa vie peut-être, elle était libre de tout engagement, de toute responsabilité, n’étant qu’une jeune hylienne se promenant au bras d’un jeune hylien, et rien de plus.

Et elle aimait ça.

 

 

Elle regarda une dernière fois la silhouette de son ange-gardien qui s’éloignait en courant derrière elle, armes au clair, et elle sentit son cœur se serrer. L’idée qu’elle risquait de ne plus jamais revoir ce visage malgré toutes ses promesses la saisit et elle ferma les yeux pour tenter de l’occulter.

Elle ne devait pas penser à l’avenir. Seul le présent importait.

La gorge nouée, elle poussa doucement la lourde porte de bois massif et jeta un œil inquiet dans l’interstice. Devant elle se dessinait les contours d’un vaste couloir peu ornementé, avec pour seule lumière la rougeoyante clarté qui traversait les quelques fenêtres perçant l’un des murs. À leur opposée, de multiples portes, toutes fermées. Cette étrange atmosphère plongeait le couloir dans une pénombre lugubre qui le rendait méconnaissable. Les armures décoratives qu’elle connaissait pourtant depuis sa plus tendre enfance lui semblaient soudain des formes malsaines et dangereuses, et les morceaux de verre brisés qui jonchaient le sol brillaient d’une lueur menaçante.

Elle déglutit lentement et s’efforça d’apaiser les battements frénétiques de son cœur. Malgré ses craintes et les ombres peu rassurantes, elle ne distinguait aucune forme l’alertant sur la présence d’un éventuel ennemi. Aucun bruit, aucun grognement répugnant, aucun mouvement traître, aucune brillance.

Après l’échec de l’embarcadère, les écuries étaient le chemin le plus sûr pour s’infiltrer dans le château. Ce n’était pas un lieu de pouvoir nécessitant le maintien d’une présence ennemie pour la garder sous contrôle. Les monstres s’étaient contentés de détruire tout moyen de locomotion facilitant une fuite rapide et de libérer les nombreux chevaux qui y étaient parqués. Enfin, c’était ce qu’elle espérait, bien que les stalles silencieuses lui murmuraient une autre histoire.

Elle s’était refusé de regarder vers celle qui abritait habituellement son propre étalon. Elle n’avait plus le temps de pleurer une autre perte. Ni les larmes.

Elle reporta son attention sur le couloir et sur le silence qui le nimbait. En poursuivant sa logique, ses premiers mètres dans le château devraient être relativement sûrs. Les monstres étaient des créatures grégaires se préoccupant surtout de répondre à leurs instincts les plus bas. Ils seraient donc probablement regroupés dans les salles les plus importantes du château : la salle d’armes ou la Grande Salle seraient des lieux à éviter, si elle le pouvait.

Ironiquement, avoir vécu si longtemps dans ce qui était devenu le lieu de plus dangereux d’Hyrule allait lui servir.

Elle avait beau tenter de se rassurer, elle mourait d’envie de tourner les talons et de s’enfuir le plus loin possible de cet endroit devenu si lugubre et repoussant. Des voix entendues durant toutes ses années ne cessaient de tourner dans sa tête depuis qu’elle avait mis les pieds dans la Citadelle, lui rappelant qu’elle n’était pas celle qu’elle croyait.

Pourtant… qui d’autre ?

Serrant les dents, elle se glissa dans l’interstice et s’évanouit dans les ombres de la forteresse, sans plus un regard en arrière.

 

 

Si je comprends bien, la tablette est nécessaire pour ouvrir chacun des sanctuaires ?

Oui, répondit Link face à la pièce vide.

Adossé au mur en bas de la mezzanine, il contemplait le sol d’un air absent, les bras croisés sur sa poitrine, lorsque la porte à ses côtés s’ouvrit pour laisser apparaître Zelda et son pas décidé.

Mais elle n’est pas toujours indispensable pour réaliser les épreuves à l’intérieur ? poursuivit-elle, les mains toujours occupées à natter une mèche de cheveux.

Link secoua la tête, mais se résigna à parler lorsqu’il vit que la princesse lui tournait le dos.

Non.

Le jeune hylien s’arrêta un moment sur le profil de la princesse occupée à regarder son reflet dans un miroir attenant. Elle portait la nouvelle tenue acquise à la boutique de Cycas. Sophora n’était pas parvenue à lui trouver un pantalon et une tunique pour hylienne : Zelda avait donc dû se contenter d’une tenue masculine qu’elle avait retouchée. Cela lui avait pris plus de deux jours mais, plutôt bonne couturière, le résultat était plus que satisfaisant. Le pantalon blanc lui collait à présent à la peau pour plus d’aisance, plongeant dans des bottines noires remontant jusqu’à mi-mollet. La tunique cintrée tombait parfaitement sur ses hanches, une ceinture de cuir accentuant la taille fine de la princesse. Rendue verte sombre après un passage « Au Levant », sa nouvelle couleur faisait ressortir les yeux de la jeune hylienne. Dessous, une chemise blanche à manches longues la collait comme une seconde peau pour la protéger du froid. Bien évidemment, Zelda avait négligemment écarté toutes les protections en cuir de sa nouvelle tenue. Elle n’avait jamais été une guerrière.

Étrangement, la voir ainsi vêtue provoquait comme un remous dans le cœur et la mémoire de Link. Comme si, de la voir dans des vêtements rappelant ceux de la Chef des Prodiges évoquait… une sensation diffuse de familiarité, d’intimité. Il secoua la tête.

Je suis prête, indiqua finalement Zelda en se tournant vers lui, attachant la tablette sheikah à sa ceinture.

Link se détacha du mur et la suivit hors de la maison, tandis qu’elle se dirigeait d’un pas plein d’entrain vers le sanctuaire par lequel ils étaient arrivé, près d’un mois plus tôt.

Cette architecture reste un véritable mystère, dit-elle en arrivant, ralentissant pour mieux contempler la construction. La grande majorité des bâtiments sheikahs sont construits dans cette pierre noire. Mais nous n’en avons trouvé aucun gisement dans tout Hyrule. Et pourtant la voici. D’où vient-elle ? Comment l’ont-il transportée ? L’auraient-ils créé ?

Elle s’approcha et laissa sa main glisser sur la pierre en un geste caressant.

Aucune jointure, comme s’il avait été sculpté d’un bloc. Et cette lueur bleutée…

La princesse poursuivit son exploration, les yeux pétillants, la bouche entrouverte.

C’est vraiment fascinant… souffla-t-elle, extatique, contemplant les sculptures de la pierre-guide dans les moindres détails. Donc pour l’ouvrir, c’est ici que tu déposes la tablette, c’est ça ?

Link acquiesça avant d’aller se poster sur la plateforme de pierre au sein du sanctuaire. Zelda le suivit, ses yeux verts parcourant les inscriptions aux murs d’un air émerveillé.

J’ai rêvé de ça des milliers de fois…

Ils activèrent le mécanisme, et les deux jeunes gens disparurent dans les entrailles de la terre. Leur environnement se teinta d’une sorte de lueur bleutée palpitante, comme s’ils se trouvaient au centre d’un gigantesque rayon énergétique. Quelques instants plus tard, le socle de pierre qui les transportait s’inséra dans un réceptacle, signifiant la fin du voyage.

Link observa la princesse découvrir cet étrange environnement qu’il avait parcouru des centaines de fois. La voyant hésiter à traverser le voile bleuté qui les entouraient, il lui montra l’exemple d’un pas sûr.

Suspendus sur une gigantesque plateforme en lévitation, le sol était totalement invisible sous leurs pieds, les murs taillés de cette pierre noire alternée de colonnes ocres plongeant dans une obscurité angoissante. Le plafond était constitué de grands carrés d’une blancheur transparente d’où émanait la lumière ambiante. Devant eux, une allée entourée de piliers surmontés de cette étrange énergie bleutée menait à un bâtiment où était dessiné l’œil sheikah, tandis qu’à leur droite s’élevait un escalier suspendu dans le vide.

Quel endroit étrange… murmura la jeune hylienne.

S’éloignant de Link en regardant tout autour d’elle, elle s’approcha lentement du bord pour voir sous la plateforme. Elle se retira vivement.

Ils sont tous en lévitation comme ça ? demanda-t-elle d’une voix un peu blanche.

Link confirma puis gravit une volée de marches de l’escalier avant de se retourner vers la princesse. Zelda ne le regarda pas immédiatement, s’émerveillant de cet étrange environnement hors du temps. Il l’invita à le suivre d’un geste de la main.

Ils atteignirent ensemble le point culminant de la structure, leur offrant ainsi une vue d’ensemble. Zelda se saisit de la tablette et photographia le cœur du sanctuaire sous toutes les coutures.

Il faut que Pru’ha vienne voir ça, murmura-t-elle avec extase. Explique-moi comment ça fonctionne, Link.

Elle s’empara de son calepin et d’une plume. Le jeune hylien se posta à ses côtés et se racla la gorge. Les longs discours n’étaient vraiment pas son point fort.

Réussir l’épreuve permet de rencontrer le Moine Sheikah, dit-il en désignant la porte du bâtiment située au bout de l’allée.

Quelle type d’épreuve ?

Link écarta les mains d’un air vague, et Zelda observa autour d’elle, les sourcils froncés de concentration.

Je suppose qu’ici, il est question d’activer le socle orange là-bas ?

Elle poursuivit son observation en tentant de résoudre l’énigme d’elle-même. Son regard s’arrêta sur un labyrinthe suspendu dans les airs situé à leur droite.

Y a quelque chose qui brille ou... ?

Une orbe, confirma Link en s’éloignant en direction du dédale de métal.

Zelda commença à lui emboîter le pas avant de s’arrêter brusquement, s’apercevant qu’elle se trouvait non plus sur un sol plein, mais sur une grille.

Par Hylia, grommela-t-elle, avoir le vide total sous ses pieds n’a rien de rassurant.

Link, patientant devant une sorte de pierre-guide, lui adressa un sourire en lui tendant la main. Elle s’en saisit avec hésitation le temps de venir se poster à ses côtés, le dos raide, et fixa son attention sur le labyrinthe.

Montre-moi, intima-t-elle avec le plus grand sérieux.

Et c’est ainsi que le chevalier passa de nouveau l’épreuve des Mécanismes de Mamya’Gana, non pas une mais près de six fois. Zelda, à ses côtés, lui demandait sans cesse de recommencer tandis qu’elle croquait la plateforme dans toutes ses positions, ainsi que les symboles présents sur la pierre-guide.

Elle semble avoir comme un système de contrôle à distance qui viendrait de cet engrenage pivotant à son sommet, dit-elle, la plume posée sur le menton. Mais comment ? Il n’y a rien qui les relie… Rien de visible toujours….

Elle reporta son attention sur le labyrinthe, intriguée.

Et comment le Sanctuaire sait-il que l’orbe est tombée dans le vide et non sur la plateforme, et d’où sortent ses orbes produites à l’infini pour te permettre de retenter l’épreuve à chaque nouvel échec ?

Perdue dans ses réflexions, elle pivota les talons et descendit l’escalier, sans plus prêter d’attention au vide qui l’inquiétait tant quelques minutes auparavant. Remorquant Link à sa suite, elle s’arrêta brutalement devant un pilier, et en croqua à nouveau tous les détails. Son intérêt se riva ensuite sur le cristal qui brillait d’un bleu éclatant à son sommet.

Je suis persuadée que cette pierre est la clé des reliques sheikah, poursuivit-elle comme s’adressant à elle-même. Les anciens en ont extrait l’énergie qui anime les créatures divines, les sanctuaires et tant d’autres choses…Nous sommes parvenus à comprendre les mécanismes qui composent les gardiens et les créatures divines, permettant de les faire fonctionner de nouveau, mais jamais nous n’avons pu percer le mystère de leur autonomie.

Le visage de Zelda se crispa un instant tandis qu’elle serrait son poing.

Si seulement… si seulement nous avions conservé le secret de cette énergie…

Elle poussa un profond soupir avant de reprendre son chemin jusqu’au temple, prenant des notes et reproduisant les sculptures qui ornaient son entrée.

Le symbole de l’œil associé à des constellations…

Elle contourna la bâtisse, caressant le mur orné de points orangés reliés par des droites géométriques.

Au fil de mes recherches, j’ai constaté que les anciens sheikahs avaient une véritable fascination pour l’astrologie. Le château lui-même abritait une salle qui n’était qu’un gigantesque observatoire stellaire. J’y ai passé tant de temps, petite… Pourquoi cette passion pour l’astrologie ? Y trouvaient-ils des réponses, ou des questions ? Y lisaient-ils l’avenir ?

Elle s’accroupit un instant et observa l’orbe devenue bleue et son réceptacle. Elle croqua quelques détails, dont les constellations qui y étaient représentées et griffonna ses idées éparses.

Satisfaite, Zelda revint sur ses pas et entra dans le temple du Moine Sheikah. Elle y observa et dessina les représentations stellaires sur les murs, avant de s’arrêter devant l’estrade vide au milieu de la pièce.

C’est ici qu’il était quand tu es entré ? interrogea-t-elle.

Le jeune hylien qui l’avait rejoint hocha la tête. Le silence les nimba, Link observant l’agitation psychique qui semblait animer la princesse.

Depuis combien d’années était-il assis là à t’attendre… réfléchit-elle tout haut. Et pourquoi maintenant…

Le chevalier fronça les sourcils, intrigué par ces derniers propos, mais la jeune hylienne ne poursuivit pas son idée immédiatement. Elle gravit le petit escalier qui menait à l’estrade, regardant son environnement avec attention, notant les variations lumineuses ininterrompues, reproduisant les inscriptions sheikahs qui brillaient au pied de l’estrade.

J’ai une théorie un peu folle, commença-t-elle d’une voix lointaine, encore plongée dans ses pensées.

Elle se tourna vers son chevalier, le visage sérieux.

Link, tu m’as bien dit qu’une fois éveillé dans le sanctuaire de la Renaissance, tu as trouvé la tablette déjà active dans son socle, et qu’elle t’a guidée à la première tour, c’est ça ?

Il opina, cherchant où la princesse voulait en venir. Avait-elle oublié que c’était elle qui l’avait guidé à son éveil ?

Et là, la Tour du Prélude s’est activée, les autres tours aussi ainsi que les sanctuaires. Pourquoi ? Pourquoi maintenant, pourquoi cent ans plus tard ? Nous avions déjà la tablette. Si elle nous guidait bien à la Tour du Prélude, jamais celle-ci ne s’est activée, malgré tous mes essais. J’ai posé la tablette sur toutes les pierre-guides que j’ai pu trouver au moins des centaines de fois sans obtenir de résultat. Pourquoi des artefacts présents depuis des millénaires ne se sont-ils activés que maintenant ? Étaient-ils programmés pour le faire ? Si les anciens sheikahs savaient lire l’avenir et avaient vu que nous allions perdre, auraient-ils intentionnellement laissé ces armes pour nous aider ?

La jeune hylienne se laissa choir sur les marches, la mine dépitée.

Si seulement j’avais pu rencontré l’un de ses Moines… Peut-être auraient-ils pu répondre à toutes ces questions. Peut-être…

Elle redressa vivement la tête, une lueur d’intérêt éclairant son regard.

Mais attends… Tu as pu leur parler, toi ? Tu as pu échanger avec eux ?

Link secoua la tête à la négative.

Il y avait une sorte de voile plasmique bleu autour d’eux, répondit le jeune hylien. Une fois brisé, ils ne survivaient que quelques minutes.

Comment ça ?

Link se racla la gorge.

Je crois, dit-il prudemment, mal à l’aise, que le voile suspendait le temps…

— … et qu’une fois brisé, le temps reprenait son cours et provoquait la mort des Moines, poursuivit la princesse, se levant pour effectuer les cent pas, frénétique. Link, tu es un génie ! Ça confirmerait ma théorie ! Si l’énergie des pierres permet de se protéger du temps qui passe, elle doit permettre de voir ou même d’aller dans l’avenir aussi ! Et donc tout s’imbriquerait parfaitement…

Zelda se raidit avant de relâcher la tension sous le poids de l’abattement.

Y compris notre échec. Cela expliquerait le Sanctuaire de la Renaissance, et ta quête initiatique te permettant d’être enfin prêt à affronter Ganon… Mais il y a cent ans, tu aurais déjà pu franchir toutes ces épreuves, tout était réuni… Hormis une seule chose…

Link observa les épaules basses de la princesse. Bien qu’elle lui tournât le dos, il vit ses poings se serrer de frustration.

Il ne manquait que le Pouvoir du Sceau. Savaient-ils… savaient-ils que je devais craindre de te perdre pour qu’il s’éveille ? Devais-tu vraiment mourir et renaître pour le salut d’Hyrule… et le mien ?

Le chevalier réduisit l’écart qui le séparait de la princesse d’un pas hésitant. Il tressaillait malgré lui à l’idée que sa mort ait pu être prédite, mais jamais évitée.

Toutes ces années à prier, à méditer, à étudier… ce temps perdu… Alors que depuis le début, j’étais impuissante…, poursuivait Zelda d’une voix brisée, ses membres tremblant d’émotion contenue. Impuissante pour sauver mon peuple, nos amis. Mon père… Toi…

Elle ferma les yeux et laissa les larmes qu’elle retenait glisser le long de ses joues. Derrière elle, Link la regardait avec compassion, se demandant si un jour, Zelda se pardonnerait de ne pas avoir vaincu Ganon il y a cent ans.

Ça n’aurait rien changé, murmura-t-il d’une voix calme.

Comme si elle ne pouvait entendre cette vérité, la reconnaître comme telle, Zelda augmenta l’écart qui les séparait, s’essuyant les joues d’un geste maladroit.

Tu t’en souviens, remarqua-t-elle sans se retourner.

Link ne prit pas la peine de confirmer. Il se rapprocha de la princesse qui avait encore reculé, les bras serrés contre sa poitrine. Il s’opposait à l’évidente distance que Zelda tentait de mettre entre eux. Ou plutôt entre elle et ses propos. Pris d’une impulsion soudaine, il lui saisit sa main glacée et la força à se retourner.

C’est vous l’Héroïne. La seule.

La jeune hylienne garda les yeux fixés sur le sol, refusant de réagir aux paroles de son chevalier. Lorsqu’elle finit par lever son visage sur lui, ses yeux étaient humides.

Te voila bien bavard d’un seul coup, Link, remarqua-t-elle d’une voix qu’elle voulut insouciante. Mais quand est-ce que tu vas te décider à me tutoyer ?

Un peu surpris par le changement de conversation, le chevalier haussa les épaules sans parvenir à réfréner un petit sourire amusé. Zelda, satisfaite de la légèreté revenue, reprit ses croquis du temple et remercia intérieurement son chevalier de ne pas chercher à la bousculer davantage.

Une demi-heure plus tard, les deux hyliens réapparaissaient à la surface d’Hyrule, se protégeant les yeux de l’agression du soleil après la lumière tamisée du sanctuaire. Ils s’engageaient sur le chemin menant à la maison de Link lorsqu’ils entendirent quelqu’un courir derrière eux.

Messire Link ! Mess… pfff… Messire Link !

Ils se retournèrent pour voir se précipiter vers eux une jeune fille aux cheveux blancs, essoufflée, vêtue d’un kimono blanc aux broderies rouges.

Pahya ? s’étonna le chevalier en avançant d’un pas vers elle.

Zelda fronça des sourcils et lui emboîta le pas, méfiante.

Enfin, je vous trouve ! s’exclama la jeune sheikah, les joues rouges. Je… J’ai…

Elle s’interrompit, les yeux écarquillés en regardant par-dessus l’épaule de Link.

Oh, Vo... Votre altesse ! balbutia-t-elle en esquissant une affreuse révérence, les yeux rivées sur la Princesse Royale. Je suis vraiment… c’est un honneur ! Ainsi c’est donc vrai ? Vous… vous l’avez vaincu ? Impa en était certaine !

Impa ? s’exclama Zelda, une forte étreinte dans la poitrine en entendant ce nom sorti d’outre-tombe.

Pahya est sa petite-fille, lui expliqua Link à mi-voix.

Zelda se sentit brusquement bouleversée en comprenant le lien de parenté qui unissait l’adolescente en face d’elle à sa nourrice qui n’était encore, dans son esprit, qu’une jeune sheikah pleine de vivacité. Impa, son Impa, grand-mère…

Elle m’a demandé de vous remettre ce message, expliqua Pahya en lui tendant un feuillet légèrement froissé.

Zelda se saisit du document que la jeune sheikah lui tendait d’un air perdu. Elle tressaillit en apercevant le sceau de cire rouge qui l’ornait.

Le symbole de l’œil sheikah.

Elle vous attend le plus vite possible, votre altesse, reprit Pahya sans se préoccuper d’être discrète.

Les deux hyliens se tendirent sensiblement. Cycas, qui ne cessait ses allers retours en contrebas, s’était arrêté, interloqué par le prédicat qu’elle venait d’utiliser. Qui ne l’aurait pas été ?

J’espère vous voir bientôt ! reprit gaiement Pahya, avant d’ajouter, ses joues légèrement rosées : surtout vous, Messire Link…

Elle s’éloigna en marche arrière, le dos penché en une nouvelle révérence ratée, puis pivota des talons et disparut sur la route hors du village. L’air suspicieux, Cycas la suivit du regard. Alors seulement, Zelda relâcha sa respiration et secoua la tête avec dépit.

Si cette histoire ne fait pas le tour d’Elimith d’ici demain, murmura-t-elle, ça tiendra du miracle.

 

 

Le soir venu, assise dans l’un des fauteuils au coin de la cheminée ronflante, Zelda laissait son regard lécher les flammes d’un air absent tandis que le Pouvoir, sous forme de flammèche cette fois, sautillait joyeusement entre ses doigts. Vêtu d’une ample chemise de lin, d’un pantalon ayant vu des jours meilleurs et les pieds nus, Link était en tailleur à même le sol à ses côtés, les yeux clos, comme plongé dans une sorte de transe méditative.

Dans le silence uniquement rompu par les craquements du foyer, la princesse caressa du regard les traits fins du jeune hylien. Elle s’y perdit un instant tant il semblait en paix, et lui envia sa tranquillité d’esprit. Elle savait que pour sa part, cet état second lui était désormais interdit. Lorsqu’elle avait essayé, des souvenirs encore trop douloureux étaient remontés à la surface sans qu’elle parvienne à les contenir, la déboussolant au plus profond de son être. Non, elle n’était pas prête de retrouver les bienfaits de la méditation de sitôt. Pour le moment, la chaleur du Pouvoir seule devait lui suffire.

Peut-être que seule sa mémoire fragmentée permettait à Link de retrouver un semblant de paix intérieure. Peut-être. Si tel était le cas, celle de Zelda débordait quand à elle de souvenirs dont elle ne voulait plus, mais qui semblaient la condamner à la mélancolie.

Être la seule à se rappeler du passé était parfois un fardeau bien trop lourd à porter.

Envahie par un mélange de tristesse et de dépit, Zelda se renfonça dans son siège et ferma les yeux, la lueur dans sa main disparaissant immédiatement. Au milieu de tout ce marasme émotionnel, elle tentait encore d’assimiler le fait qu’Impa était grand-mère. Grand-mère, par Hylia ! La princesse commençait douloureusement à réaliser ce que cent ans signifiaient aux yeux du reste du monde, pendant que sa propre existence s’était figée en une forme de lutte éternelle. Jamais encore le passage du temps ne l’avait autant bouleversée qu’en cet instant douloureux.

Impa… Grand-mère…

Elle froissa le message qu’elle tenait encore dans sa main glacée, message qui n’était pas de ceux à pouvoir l’apaiser. Elle se sentait épuisée, à bout de forces et l’esprit tournant à vide. Elle voulait juste… cesser de penser, pendant quelques instants. Arrêter sa tête pour que son corps se détende et qu’elle perde ce poids insoutenable qu’elle sentait sur ses épaules. Ne pas réfléchir. Ne pas se souvenir.

Ne pas se souvenir…

Elle secoua la tête, chercha du regard ce qu’elle avait bien pu percuter. Au dessus d’elle, elle distingua à travers le voile de poussière un museau humide et une langue pendante, surmonté de deux petits yeux rouges.

Un moblin blanc.

Une vague de terreur lui noua les entrailles. Un filet de bave jaunâtre coula sur son ventre et le monstre poussa un grognement dont la nature ne laissait pas de place au doute. Elle n’avait plus le choix, elle devait…

Un sabre fin traversa l’air en tournoyant et se ficha dans la gorge du moblin. Figé pendant une ultime seconde, le monstre disparut dans un nuage de corruption poisseuse en ne laissant derrière lui qu’une viscère verdâtre et une paire de cornes.

Interdite, Zelda demeura au sol, le souffle court. Elle fixait l’endroit où se trouvait le monstre une seconde plus tôt, tentant d’assimiler la précipitation des évènements.

Besoin d’aide, petite sœur ?

La Fille d’Hyrule se retourna prestement, les yeux écarquillés tandis qu’une vague de soulagement l’étreignait.

Impa !

La sheikah, perchée sur un toit étrangement intact, lui adressa un grand sourire. Elle bondit souplement et atterrit juste devant elle. Munie de son célèbre chapeau aux lunes pendantes et vêtue de son kimono de guerre, elle se redressa avec une prestance que Zelda lui avait toujours envié. Pourtant, Impa avait l’air de tout, sauf d’une guerrière.

Son amie était de petite taille, sa silhouette souple et fine la faisant paraître insignifiante : c’était là la seule ressemblance qu’elle avait avec Link. Impa était particulièrement connue à la cour pour sa coquetterie excessive et elle aimait déambuler dans les couloirs de la Citadelle avec une démarche exagérément féminine qui faisait tourner toutes les têtes. Si son caractère irascible était aussi réputé que celui de Zelda, elle était surtout dotée d’un esprit taquin et joueur qui avait valu bien des déboires à sa petite protégée. Impa n’avait jamais craint le ridicule. Elle pouvait se comporter comme une enfant pourrie gâté, puis devenir la plus désirable des séductrices, avant de se transformer en harpie hurlante à cause d’une tâche sur un tapis, cela lui importait peu. Zelda avait toujours adoré cette façon de vivre ses émotions sans jamais rendre de compte à personne. Elle-même n’était jamais parvenue à la même nonchalance. Et ce n’était pas faute d’avoir essayé.

Derrière cette attitude désinvolte et légère, Impa dissimulait une sagesse inégalable, un sens politique redoutable… et qu’elle était l’une des combattantes les plus respectées d’Hyrule, la seule à avoir désarmé le meilleur bretteur du Royaume – qui n’était autre que Link.

Mais l’Impa qui se plantait devant la princesse et lui tendait une main secourable était avant tout son amie. Sa meilleure amie.

Tu comptes dormir ici ? lui lança-t-elle d’un air goguenard.

Je te croyais à Cocorico, répondit la princesse en acceptant son aide pour se relever. Tu…

Elle est en sécurité, la coupa la sheikah. Par contre…

Impa jeta un regard à la cité en flammes autour d’elles, puis regarda à nouveau la princesse d’un air éloquent.

On ne peut pas en dire autant de toi, acheva-t-elle dans un sourire.

Comment as-tu su où me trouver ?

Une ombre passa sur le visage de la guerrière tandis qu’elle observait les traits tirés de la princesse.

Les sheikahs de la Plaine de Cernoir sont venus m’avertir. Zelda, je suis désolée… Quand j’ai appris…

Il n’est pas mort, l’interrompit la jeune hylienne d’une voix ferme, coupant court à toute répartie. Il guérira. Cela prendra le temps qu’il faudra, mais il guérira. Et en attendant, je dois accomplir mon devoir et protéger Hyrule… ou plutôt ce qu’il en reste.

C’est ce que j’ai cru comprendre, répondit Impa d’un air concerné. Mais Zelda… comment…

Il s’est éveillé.

Impa se figea, le coeur battant.

Le Pouvoir du Sceau ? souffla-t-elle. Vraiment ?

Oui.

Par Hylia, les guerriers me l’avaient bien dit mais… comment ?

Zelda lui adressa un sourire à la fois timide et teinté d’une profonde tristesse.

Link, souffla-t-elle doucement.

Ah, acquiesça Impa en mettant une main sous son menton. Évidemment.

La princesse leva un sourcil interrogatif sur sa nourrice, mais demeura silencieuse. Il y avait un temps pour tout. Et celui pour cette conversation était aussi révolu que tous les autres.

Impa, il faut que j’y aille.

Je sais, je suis là pour ça.

Qu’est ce que tu veux dire ?

Je viens avec toi.

Zelda ne put retenir une grimace légèrement agacée. Impa était têtue, effroyablement têtue. La convaincre allait demander un temps considérable. Un temps dont chaque seconde équivalait au moins à deux morts.

C’est impossible, Impa.

Tu veux vraiment traverser ça toute seule ? demanda la sheikah, désignant la Citadelle en flammes derrière elle.

Zelda esquissa une moue découragée. Elle n’était encore que dans les faubourgs de la ville basse, et le château lui semblait encore si loin…

Je dois le faire seule, Impa, reprit-elle tout de même fermement. C’est un combat que tu ne peux pas mener.

Je sais. Mais mon rôle est d’aider la Prêtresse Royale à accomplir son devoir. Alors je vais t’aider. Tu n’y arriveras pas seule, Zelda. Pas sans te trahir.

La princesse se mordit la lèvre inférieure, partagée entre le désir de protéger sa plus chère amie, craignant de la voir succomber à son tour sous ses yeux… et celui de ne pas affronter tout cela seule.

Si tu me promets de me laisser quand je t’en donnerais l’ordre, finit-elle par céder.

Je ne suis plus ton guide, Zelda, mais ton alliée. C’est à toi de décider.

Tu…

La voix de Zelda se coinça dans sa gorge tandis qu’une bouffée d’émotions l’envahissait. Elle détourna le regard, le souffle court. Le souvenir d’une silhouette vêtue de bleue s’écroulant dans l’herbe la tiraillait. Elle devait le dire. Elle devait…

Je t’interdis de mourir, Impa, croassa-t-elle alors qu’un profond sanglot venait entraver ses cordes vocales. Pas toi, tu m’entends ? Je ne supporterais…

Pour toute réponse, Impa se rua sur elle pour l’enlacer dans une étreinte puissante et toute maternelle. Zelda s’accrocha à sa tunique, la sheikah caressant ses cheveux dans un mouvement apaisant. Comme avant, quand enfant, une petite fille se réveillait en pleurs d’un affreux cauchemar, ou quand adolescente, elle sanglotait après un énième échec pour éveiller son pouvoir.

Je n’en ai pas l’intention, petite soeur, mumura Impa à l’oreille de celle à qui elle avait voué sa vie. Rassure-toi. Je n’en ai pas l’intention.

Fermant les yeux, Zelda s’oublia un instant dans l’odeur apaisante de son amie, dans cette fragrance de fruits exotiques qui lui était intrinsèquement associée et qui était omniprésente autour d’elle depuis sa plus tendre enfance…

Comme un diamant à multiples facettes, Impa était et représentait encore tout pour Zelda. Nourrice, garde du corps, magistrat, guide, grande sœur, meilleure amie, confidente… Elle connaissait tout de la princesse, ses forces, ses faiblesses, ses craintes, ses cauchemars et son histoire. Elle avait toujours été là, silhouette bienveillante qui se penchait sur son berceau comme une marraine prête à exaucer ses vœux les plus fous, phare dans la nuit de sa vie qui ne s’était jamais, jamais éteint.

Mais même si une profonde affection les liait, même si Impa avait toujours été douce et compréhensive, soutenante et tendre à son égard… la sheikah était avant tout autre chose la conseillère personnelle de Zelda. Elle la guidait dans ses responsabilités de Princesse Royale, ses obligations, lui avait appris en lieu et place de sa mère comment se tenir et interagir en accord avec son rang. Elle était la voix de son père à ses côtés, même si moins autoritaire et plus sensible. Loin de se leurrer sur ses propres motivations, Zelda savait que c’était cela qu’elle avait fui en n’allant pas voir Impa une fois Ganon vaincu. Ça, et la douleur de voir ce que le passage du temps avait infligé à la jeune sheikah pleine de vie que Zelda avait connue.

La lettre qu’elle serrait dans sa main ne contredisait en rien ce que la princesse savait déjà. Si un non-initié n’y voyait qu’une invitation banale, Zelda, elle, y lisait bien d’autres choses. Elle connaissait suffisamment Impa pour comprendre le sens caché derrière des mots somme toute banaux.

Madame,

Cela fait bien longtemps que nous ne nous sommes pas vues, et j’ai bien des choses à vous dire. Viendriez-vous vous reposer quelques temps chez une vieille amie ?

Vous attendant avec impatience, Impa.”

Madame. Seule Urbosa surnommait Zelda de cette façon, en souvenir de sa mère. Et seule une personne qui lui était très proche aurait pensé à ce surnom pour garder l’identité de la destinatrice secrète si jamais le message tombait entre de mauvaises mains – tout en le dotant d’une note très protocolaire.

Aussi, dans l’esprit de Zelda, il ne faisait aucun doute que la sheikah n’avait guère apprécié d’apprendre la survie de la princesse par une personne interposée – sa sœur Pru’ha probablement. En la fuyant, en se cachant comme elle l’avait fait, elle avait failli à son devoir et c’était une notion totalement étrangère au monde tel qu’il existait selon Impa. Alors, elle la convoquait, elle, la Princesse Royale, pour lui rappeler son rôle, mettant ainsi fin à sa liberté si récemment acquise.

Zelda en avait conscience, tout comme Impa. La question était de savoir si la princesse allait répondre à ce rappel à l’ordre, ou non.

Elle bascula la tête en arrière en un soupir. Rappelant à elle le Pouvoir, elle soigna délicatement le dessin des ailes embrasées du papillon sur les poutres du plafond, avant de laisser ses pensées se dissoudre dans l’envol de la douce silhouette dans les airs.

Lorsqu’elle lui avait tendu la lettre, Link l’avait rapidement parcourue, puis, sans se prononcer, était ressorti pour faire vérifier les fers des chevaux par le maréchal-ferrant.

Il n’avait eu besoin de rien dire.

Le lendemain, ils prendraient la route. Pour le Village Sheikah.

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