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Petits écrits de la Main Gauche
Informations aux lecteurs

Samedi 18 novembre 2023 :

PUBLICATION DU TOME 1 DE CAUGHT IN THE MIDDLE LE 18 NOVEMBRE 2023
Pour s'y retrouver avant la lecture : Avant-Propos The Legend Of Zelda

- Caught in the Middle (fanfiction du jeu Zelda Breath of the Wild) =>
T2 achevé ; T3 en cours d'écriture.

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10 juillet 2015

Le Bunker - Chapitre 05

Seule dans ce grand lit froid, je me tournai et me retournai sans cesse. Je fermais les yeux et je ne voyais qu’elle.

Thi et sa voix grave qui laissait des frissons sur ma peau. Thi et son aura méfiante, Thi et son ricanement méprisant, Thi et son souffle chaud sur ma nuque, Thi et ses yeux d’obsidienne…

Thi et son regard blessé quand je l’avais touchée…

Pourquoi avais-je fait ça ? Pourquoi avais-je ressenti le besoin de faire ça ?

Qui était-elle pour moi ? Une parfaite inconnue il y a quelques heures… Maintenant, une personne que je laissai dormir sur mon canapé, et ce, en ne connaissant d’elle que son nom. Elle, cette femme qui errait dans un bunker pieds nus en pleine tempête. Cette femme si craintive, si brutale ! Elle, qui m’avait agressée ! Elle, qui n’avait eu de cesse de me mettre en garde, de me rejeter toute la soirée, alors que je m’échinai à la rattraper, sans raison, utilisant le désespoir de sa situation pour la garder à mes côtés.

Je ne parvenais pas à intégrer mon comportement à celle que je pensais être. Je ne comprenais pas mon acharnement, mon attirance inéluctable envers cette femme violente, écorchée, et probablement dangereuse. Et cette sensation au fond de moi, ce cœur qui battait à la folie. 

Qui étais-je finalement ? Je n’étais qu’une femme, une femme parmi tant d’autres. Une jeune femme, jeune mariée, envisageant d’être mère, ayant rencontré un homme charmant avec pour seul défaut d’être paresseux en vacances. Une femme active, avec un boulot qu’elle adore, des amis avec qui elle passe d’excellentes soirées, des parents adorables.

Une femme lambda, heureuse en couple, en amitié, en famille et professionnellement.

Puis cette autre femme avait surgi de nulle part, sans nom, sans passé, sans avenir, avec à peine un visage, et en une semaine, elle avait bouleversé ma vie, mes rêves, mes principes.

Je m’agitais, tourmentée au cœur de la nuit.

Je n’étais pas idiote, je n’avais pas les idées obtuses. Je me flattai même d’être dotée d’un esprit plutôt ouvert. J’avais eu bien des histoires, des aventures. Je connaissais mon corps et ses réactions. Je parvenais aisément à comprendre ce qu’il me disait, mais c’était tout bonnement inconcevable. La réponse était là, mais je ne pouvais ni ne voulais la voir.

Je la désirai.

Je désirai une parfaite inconnue.

Cette simple idée, formulée en pensée, me sembla tellement incongrue et surréaliste que je m’efforçai de la balayer. Je n’avais rien contre l’homosexualité. En remontant peut-être six ans en arrière, en m’imaginant célibataire, sans attaches et sans projets, j’aurai peut-être considéré tout ceci comme une stupéfiante aventure. J’aurai même été assez excitée de la vivre.

Mais aujourd’hui, j’avais la sensation que mon corps me trahissait.

Je ne pouvais, en une semaine, balayer cinq ans de rêves d’avenir pour me laisser guider par un fantasme avec une parfaite inconnue. Une belle inconnue, certes, mais une inconnue quand même. Je ne pouvais pas tromper mon mari pour une folle idylle de vacances, même en pensée, c’était tout bonnement contraire à tous mes principes.

Je m’efforçai de me morigéner, tentant de me rassurer en me disant que ma libido était juste un peu exacerbée, rien d’insurmontable. Je m’obligeai à croire que tout ceci n’était qu’une broutille, une lubie saugrenue qui aurait disparu le lendemain.

Je soupirai, enfonçant mon visage dans mon oreiller, appelant Morphée de toutes mes forces. Désirant par-dessus tout arrêter de penser à ce corps reposant à quelques mètres de moi, je me résignai à compter les moutons dans ma tête, comme une enfant ayant besoin de se rassurer avant de s’endormir.

Les petites bêtes sautant par-dessus la barrière accomplirent leur office. Avant de m’abandonner aux tortures de mon subconscient.

Je sursautai dans mon lit, me redressant brutalement, le cœur battant la chamade. Je passai un temps incalculable à tenter de me repérer, mon cerveau englué dans une torpeur sans nom. Je regardai le réveil à mes côtés pour constater qu’il était plus de deux heures du matin.

Ma peau était moite, recouverte de sueur. La respiration encore saccadée, je distinguai sans mal une humidité bien différente sur une partie plus intime de mon corps. Je fermai les yeux, sentant une forme de panique incontrôlable m’envahir tandis que des bribes de songes me revenaient en mémoire.

Alors que le souvenir d’une main caressant la peau de mon ventre et de deux obsidiennes me dévorant se dessinait dans mon esprit, un frisson reconnaissable entre tous me parcourut. Je rouvris les yeux brutalement pour tenter d’effacer ces images obscènes au plus vite, alors qu’une larme dévalait ma joue.

J’éclatai en sanglots, terrifiée, totalement paniquée par les tourments que mon corps me criait à pleins poumons. J’étais une femme mariée, épanouie et heureuse, pourquoi devais-je subir une telle tentation, profondément inconcevable, irréaliste, impossible ?

Je tentai d’étouffer mes pleurs dans le creux de mes draps, me recroquevillant en position fœtale sur mon matelas, mais je ne parvenais pas à contrôler les bouleversements qui m’agitaient. J’étais totalement déchirée entre un désir torride encore bien présent et mon cœur en lambeaux d’être aussi maltraité, torturé entre mon éducation et ces pulsions irréalistes.

Perdue dans ma souffrance, je sursautai en entendant un timbre reconnaissable entre tous, responsable de toutes mes tortures.

_ Léa ?

Le son de sa voix prononçant mon prénom. C’était la première fois que je l’entendais.

Mon premier sentiment fut de me sentir plus sereine. Elle était là. Puis m’apercevant de ce que cela signifiait, la tempête qui faisait rage en moi, aussi violente que celle du soir où je l’avais aperçue la première fois, s’intensifia de plus belle.

Je tentai vainement de me ressaisir, me redressant sur mon lit en essuyant tant bien que mal les traces de larmes sur mon visage.

_ Désolée, j’ai dû te réveiller.

J’esquissai un sourire qui se voulait rassurant alors que ma voix s’était exprimée en de pitoyables trémolos. Thi s’approcha de mon lit d’un pas hésitant. Je hurlai intérieurement ma colère auprès de ce Diable qui avait jugé bon de m’envoyer ce succube en sous-vêtements dans ma chambre. Je ne distinguai qu’une partie de ses formes et de sa peau dans la pénombre, la rendant encore plus mystérieuse et attirante. Dans l’état dans lequel je me trouvai après mon rêve, je ne pus que détourner le regard, fébrile.

_ Je ne dormais pas, répondit-elle d’une voix neutre.

Le silence qui habillait la majorité de nos échanges se réinstalla sans gêne, comme s’il était un habitué. Je priai pour que Thi s’en aille au plus vite, même si l’inquiétude et l’incompréhension qu’elle laissait transparaître me touchaient plus que je ne voulais le croire.

_ Ça va aller ? demanda-t-elle d’une voix incertaine, comme si elle ignorait les mots d’usages en de telles circonstances.

_ Ce n’était qu’un cauchemar, ça va passer, tentai-je de la rassurer.

Je sentis qu’elle demeurait un instant sur le pas de la porte, hésitante quant à la conduite à tenir. Je ne me tournai pas vers elle, laissant mon regard se perdre par la fenêtre de la chambre, au travers de la nuit noire. La tempête s’était calmée, ne laissant qu’un vague vent mugissant comme souvenir.

_ Bon… Bonne nuit alors, déclara-t-elle un peu plus fortement, comme vexée par mon rejet manifeste de ses attentions.

Ce fut avec soulagement que j’entendis le battant se refermer sur la Némésis qui me hantait sans que je parvienne à l’en empêcher, même si elle me laissait seule et désemparée.

 

****

 

Le lendemain matin, je me réveillai avec la sensation d’avoir sifflé tout le vin de messe en cachette. Ma nuit avait été agitée et Thi m’avait obnubilée comme personne auparavant, s’invitant dans chacun de mes rêves. Mes songes étaient peuplés de hurlements et de cris, mêlés des plaisirs de la chair et de tendresse.

Je quittai mon lit à la va-vite, presque soulagée d’enfin m’éloigner du réceptacle de mes tortueux désirs. J’en faisais presque mon ennemi. Je sortis de la pièce doucement et jetai un coup d’œil au rez-de-chaussée. La couverture et l’oreiller étaient sagement déposés sur un coin du canapé, et aucun bruit ne régnait dans la maison.

Je poussai un profond soupir de soulagement. Je m’aperçus alors combien je redoutais l’instant où elle se serait à nouveau présentée devant moi après la nuit que je venais passer. Autant une part de moi qui m’agaçait prodigieusement était frustrée, autant le reste de mon être en était apaisé. La fin de cette douloureuse tentation.

Je m’évadai prestement sous la douche comme pour me laver de ces dernières heures éprouvantes, pour en effacer le souvenir cuisant et désagréable. Une sorte de mélancolie m’accablait, mais ne plus la voir m’apaisait tout autant que cela me blessait. Cette histoire était finie, mes tourments allaient s’envoler, et j’allais reprendre une vie normale. Au moins, loin d’être claires, les choses étaient calmes.

Je rassemblais mes idées sous les jets d’eau brûlants. Je désirai plus que tout quitter cet endroit maudit dès aujourd’hui, et retrouver l’antre rassurant de mon quotidien. Mais je savais douloureusement que je devais d’abord rester seule encore un temps.

Je savais qu’en rentrant de suite auprès de Marc, soit je serais profondément mal à l’aise face à lui et risquerais de le blesser en lui expliquant mes tourments n’importe comment ; soit je mettrais tout ceci de côté, avant que la situation ne se représente, au risque de ne pas me contrôler.

Parce qu’après tout, est-ce que ce n’était pas un fantasme refoulé depuis bien longtemps qui s’exprimait enfin ? J’étais une fervente défenseuse de la sexualité épanouie et du dialogue dans le couple. Nous avions le même point de vue avec Marc, mais une fois devant le fait accompli d’un tel désir, j’ignorai la réaction qu’il pourrait avoir.

Je devais analyser ce qui s’était passé avant de rentrer. Pour moi-même, pour mon avenir, pour mon mariage. Et pour cela, je devais être seule.

Je sortis de la douche avec une étrange sensation d’apaisement. Ne plus la voir me permettait d’accepter ce que j’avais ressenti. J’avais désiré une femme, oui. Mais il ne s’était rien passé et tout danger était écarté. Cela n’avait plus la moindre importance, la moindre conséquence.

Après m’être séchée, je remarquais que je n’avais pris aucune affaire de rechange. Je sortis donc de la salle de bains pour aller m’habiller dans la chambre, tout en frottant vigoureusement mes cheveux trempés à l’aide d’une serviette.

A proximité de la porte, je relevai la tête et stoppai net.

Elle était là, dans l’encadrement, toujours aussi belle.

Son regard braqué sur moi.

Et moi, j’étais nue comme un ver.

Nos yeux se croisèrent brièvement avant qu’elle ne détourne vivement la tête avec un petit sourire indescriptible, alors que je m’employais à cacher tant bien que mal mon corps derrière ma serviette minuscule.

J’étais incapable de déchiffrer la lueur que j’avais eu le temps de discerner dans ses prunelles obsidiennes.

_ Navrée, dit-elle sans la moindre tentative de crédibilité, j’aurais dû attendre en bas, je voulais savoir si tu étais réveillée.

_ C’est pas bien grave, affirmai-je plus pour m’en convaincre moi-même. J’aurais dû faire attention mais je… je croyais que tu étais partie…

Elle releva la tête. Son visage s’était refermé, ses pupilles noires m’observant d’un air légèrement hautain.

_ Je vais partir, ne t’inquiète pas. Je voulais juste récupérer mes fringues dans la salle de bains.

_ T’embête pas, tes habits ne tiennent plus que par l’opération du Saint Esprit. Garde ce que tu as sur le dos.

Elle haussa un sourcil, un peu stupéfaite de ma proposition, mais elle ne la refusa pas. Pour ma part, j’essayai toujours de calfeutrer mes parties intimes du mieux que je pouvais.

_ Bon, je vais y aller alors.

Je hochai la tête, incapable de prononcer un mot, incapable de savoir ce que je souhaitai réellement. Hormis finir par m’habiller.

Elle posa à nouveau ses yeux sur moi, me détaillant de haut en bas sans la moindre gêne. Un frisson me parcourut, et j’étais incapable de définir s’il était désagréable ou pas. Lentement, elle s’approcha d’un pas flottant, un léger sourire planté sur les lèvres.

Elle se pencha alors tout doucement vers moi.

Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine. A nouveau, il me remplissait les tempes. Mais une autre sensation émergea dans mon ventre. La peur. J’ignorai ce qu’elle allait faire, et je le craignais plus que tout. Ses paroles de la veille me revinrent, me mettant en garde contre elle-même. Elle pourrait me violer m’avait-elle dit. Mais dans l’état actuel des choses, je n’étais pas certaine que ce soit un viol si elle tentait quoi que ce soit. J’étais incapable de bouger. Et je savais que je serai incapable de lui résister.

J’inspirai profondément et les effluves de sa peau m’emplirent les narines, m’emportant dans un tourbillon d’émotions. Une pulsion violente explosa dans ma poitrine, m’implorant de me jeter sur ses lèvres, de la plaquer contre le mur, à ma merci. Une soif d’elle que mon cœur me hurlait d’abreuver.

Je baissai alors la tête pour tenter de dissimuler cet horrible trouble qui m’envahissait, m’efforçant vaille que vaille d’occulter sa proximité, ma nudité, et les sensations qui émergeaient en moi en un torrent furieux.

_ Merci, murmura-t-elle alors.

Ses lèvres se posèrent délicatement sur ma joue en un baiser appuyé, me bloquant la respiration. Elles se portèrent ensuite à mon oreille lentement, laissant traîner son souffle brûlant sur ma nuque.

_ Je sais ce que tu attends de moi, susurra-t-elle. Bon courage…

Et elle disparut dans l’escalier, un sourire railleur accroché aux lèvres. La porte avait claqué depuis longtemps que je restai là, égarée sur le palier, nue, sans remuer un cil.

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