Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Petits écrits de la Main Gauche
Informations aux lecteurs

Samedi 18 novembre 2023 :

PUBLICATION DU TOME 1 DE CAUGHT IN THE MIDDLE LE 18 NOVEMBRE 2023
Pour s'y retrouver avant la lecture : Avant-Propos The Legend Of Zelda

- Caught in the Middle (fanfiction du jeu Zelda Breath of the Wild) =>
T2 achevé ; T3 en cours d'écriture.

Publicité
Newsletter
10 juillet 2015

Le Bunker - Chapitre 06

Le reste de la journée se déroula dans une morosité prégnante. Je m’agitai dans la petite maison bretonne, sans raison et sans but, juste incapable de rester en place à contempler le vide, tandis que mes pensées ne cessaient de provoquer des courts-circuits dans mon esprit.

Quel besoin avait-elle eu de me narguer ainsi avant de partir ? Alors que j’étais nue, vulnérable ? Au sens propre comme au sens figuré, d’ailleurs.

Mais surtout… avais-je été si transparente que ça ?

Je ne pouvais émettre le moindre doute sur ses sous-entendus. Elle savait que je la désirai. Etait-ce le frôlement de ma main sur sa joue, mon désarroi de la nuit, des murmures échappés dans mon sommeil qui l’avaient mise sur la piste, je n’en savais rien. Toujours est-il qu’elle ne semblait pas être la plus choquée des deux.

J’étais mélangée entre colère et reconnaissance à son égard. Je la remerciai de ne pas avoir répondu à mes cris silencieux, de ne pas avoir franchi cette barrière, d’avoir respecté mon couple. Là où j’aurai été incapable de le faire. Je n’aurais jamais pu lui résister si elle avait tenté quoi que ce soit avec mon corps.

Je me rendais compte combien, sous ses airs bourrus, elle pouvait être quelqu’un qui gagnerait à être connu. Malgré sa détresse, c’était elle qui avait maintenu une distance que je tentai de diminuer. En soi, que lui importaient les conséquences si quelque chose s’était passé ? Elle pouvait repartir avec le seul souvenir d’un instant de plaisir, sans se préoccuper de mon couple ou de mon avenir. Nous savions toutes les deux que notre rencontre serait éphémère. Elle n’avait rien à perdre et tout à gagner si je l’intéressais un tant soit peu.

Mais elle n’en avait rien fait. Elle avait gardé ses distances et avait fait le choix que j’aurais été incapable de lui imposer : elle était partie. Et pour tout cela, je lui étais plus que reconnaissante.

Par contre, je lui en voulais d’avoir profité de la situation pour me troubler davantage. De m’avoir narguée ainsi, en toute connaissance de cause, d’avoir attisé ce feu malsain en moi sans jamais avoir eu l’intention d’y répondre. D’en avoir joué.

Et une part de moi, indubitablement, lui en voulait d’être partie.

J’avais beau retourner la situation dans ma tête dans tous les sens possibles, je ne parvenais pas à trouver une cohérence dans tout ce qui m’arrivait. Avant de marier, j’avais craint pour mon indépendance et ma liberté en me liant définitivement à quelqu’un. Mais jamais l’idée que je serai celle qui m’enchaînerait ne m’avait traversé l’esprit.

Ces pensées erratiques et sans but se jouèrent de moi durant toute la matinée et une bonne partie de l’après-midi, tandis que j’astiquai la demeure de fond en comble comme si ma vie en dépendait. Et chaque fois, la même conclusion s’imposait à moi : je devais repousser ce désir au plus profond de mon être, incapable de vraiment le considérer comme quelque chose qui ne soit pas ponctuel, lié qu’à une seule et unique personne.

Une personne dont je ne connaissais que le nom. Et encore, je doutais sérieusement que ce soit son véritable état-civil. Je ne savais rien d’elle, hormis qu’elle errait là, sans but apparent, vivant dans un bunker au bord de la côte bretonne, avec comme seul horizon, l’océan Atlantique.

Elle pouvait être une meurtrière, une cambrioleuse, elle pouvait être recherchée par Interpol que je n’en saurais rien. Bien que son comportement m’en fasse sérieusement douter. Elle pouvait tout aussi bien être une malade échappée de l’Etablissement de Santé Mentale le plus proche, évadée alors que sous tutelle, que je n’en saurais toujours rien.

Ou a contrario, elle pouvait être une petite fille disparue depuis vingt ans, enfin échappée des griffes de son bourreau. Ou encore une sans-papiers, une clandestine, une prostituée que son proxénète chercherait dans tout le pays pour la tuer ? Une espionne des Services Secrets ?

De quoi vivait-elle ? Où se nourrissait-elle ? Depuis combien de temps était-elle dehors ?

Je n’avais aucune réponse à ses questions, et pourtant, pourtant, ma peau appelait la sienne de toutes ses forces.

C’était profondément ridicule. Puéril.

Je n’étais qu’une adolescente découvrant ses premiers émois et incapable de les contrôler. Je me faisais pitié.

Au fur et à mesure de la journée, je vis le ciel se dégager par la fenêtre, les rayons du soleil pénétrant doucement la maison. Je repoussai désespérément une envie folle de sortir, d’aller sur la plage, à côté du bunker. Je savais pertinemment que je n’irai pas y quêter uniquement le soleil, mais quelque chose de bien plus palpable.

C’est vers seize heures que je rendis les armes. C’était la première véritable éclaircie qui se manifestait depuis trois jours, et j’avais un besoin impérieux de vitamine D. En sortant, je fus agréablement surprise de constater qu’une chaleur agréable et revigorante m’enveloppait, en contraste total avec les températures précédentes. Après tout, ne disait-on pas qu’en Bretagne, les quatre saisons se manifestaient en une journée ?

Je me dirigeai vers la plage toute proche en évitant soigneusement le bunker. Il me semblait soudainement beaucoup plus menaçant qu’auparavant, sombre silhouette se découpant dans l’azur du ciel, l’obscurcissant. Je refusai de m’en approcher.

C’est avec bonheur que je marchai pieds nus dans le sable, le sentant crisser sous mes pieds. J’inspirai profondément l’air iodé qui semblait me dégager les poumons. Quelques promeneurs erraient de-ci de-là, se saluant d’un simple hochement de tête, ombres isolées se repaissant de la beauté naturelle de l’océan.

Un chien courait au loin, aboyant lorsque son maître lui lançait quelque chose, plongeant avec grand bruit dans les vagues pour aller le chercher. Je souris légèrement en le voyant s’amuser ainsi comme un fou, avec si peu de choses. Presque inconsciemment, je dérivai vers le rivage pour finir par sentir l’attaque glacée de la mer sur mes pieds jusqu’à ce qu’elle vienne paresseusement me lécher les genoux.

Pour la première fois depuis des jours, mon esprit se vida sous la brise légère, me laissant calme et apaisée. Je savourai cet instant de plénitude, avec la conscience aiguë que son bienfait serait éphémère.

Le crépuscule commençait à poindre lorsque je retournai à la maison, avec la fugace pensée, malgré tout, que Thi n’était pas apparue à un seul moment dans les environs.

La soirée s’écoula, rapportant avec elle la morosité qui m’envahissait inéluctablement. Marc m’appela et je fis de mon mieux pour qu’il ne se doute pas de mes sombres pensées, me montrant enjouée et reposée, ravie de savoir qu’il me rejoindrait à nouveau ce weekend. Alors que la nuit précédente me pesait sur les épaules et sur le cœur, et que j’angoissais à l’idée de me retrouver à nouveau dans le creux de mes draps.

Décidée d’éloigner le plus possible les démons qui me tourmentaient, je m’installais dans le canapé face à un navet insipide, devant lequel je m’endormis sans même m’en rendre compte.

 

****

 

Le jour suivant fut aussi morose que la veille, à la différence que je n’avais plus rien à faire dans la maison. Face au beau temps de retour et au souvenir glacé mais bienvenu de la mer la veille, je tentai une baignade. L’entrée dans la mer fut difficile, mais je fus agréablement surprise de la sensation de bien-être qui s’installa une fois mon corps habitué à la température de l’océan. A nouveau, l’eau m’apportait la sérénité que je recherchai désespérément sur la terre ferme.

A plusieurs reprises, je songeai à rentrer chez moi. Mais il me suffisait de m’imaginer face à Marc pour que je m’y refuse à nouveau, la culpabilité de mes rêves m’envahissant encore trop. Et c’était presque consciemment que j’attendais de voir si Thi se manifesterait.

Plusieurs personnes partageaient mon petit bout de plage mais je n’y prêtai pas attention, m’enfonçant dans ma bulle d’insouciance bienfaitrice au soleil, bercée par le rythme des vagues léchant le sable à mes pieds.

 Avec la fin d’après-midi vint un léger vent plus frais et quelques nuages. N’ayant aucune envie de rentrer, je me redressai pour mettre mon tee-shirt par-dessus mon maillot de bain, souhaitant encore profiter quelques minutes du soleil qui, je le savais, n’était probablement qu’un visiteur passager en ce mois de Septembre. Alors que je me tournai vers mon sac à ma gauche, je sursautai en apercevant la silhouette assise juste à côté.

Je restai interdite un instant, ne sachant comment réagir. Thi me regardait d’un air insolent, ravie de me voir surprise et si décontenancée. Je tentai de réguler les battements sourds de mon cœur qui s’étaient précipités à sa vue, réanimant précipitamment tous les tourments que j’avais réussi à occulter.

_ Alors comme ça, toi t’es pas une sudiste ? me demanda-t-elle d’un air un peu moqueur.

_ Quoi ??

_ T’es pas de la Bretagne et tu te baignes quand même dans de l’eau à 16°C en plein automne.

Elle haussa les épaules, se tournant vers l’immensité bleutée, y perdant son regard d’obsidienne.

_ C’est assez rare, poursuivit-elle négligemment.

_ Je n’aime pas la Méditerranée. Il y a trop de monde, l’eau est aussi recouverte de crème solaire qu’une peau de rouquin, et il n’y a pas de marée. Je préfère l’océan.

_ Un bon point pour toi.

Je ne relevai pas, ne sachant trop ce qu’elle entendait par là. Et je n’étais pas certaine de vouloir le savoir.

_ Qu’est-ce que tu fais là ? finis-je par demander.

_ Je te dérange ?

J’eus un moment d’hésitation, ignorant quelle était la meilleure réponse à apporter. J’excusai mon silence en revêtant mon tee-shirt, la chair de poule me recouvrant. Quand j’eus fini de dégager mes longs cheveux blonds du col, Thi m’observait à nouveau de ses yeux brûlants, un sourcil haussé, un léger sourire aux lèvres.

_ Non, pas du tout, réussis-je à répondre en me rallongeant, tentant de paraître nonchalante.

_ Alors tant mieux.

Je réajustai mes lunettes de soleil sur mon nez, en profitant pour lui jeter un coup d’œil sans engager la conversation. J’ignorai ce que je pouvais lui dire.

Mon cœur eut un raté en constatant que son regard était tourné vers moi. Ou plutôt sur les seules zones de mon corps que ma tenue ne dévoilait pas.

_ Le spectacle te plaît ? demandai-je d’un ton un peu glacé, ses yeux me troublant plus que je ne voulais bien l’admettre.

_ Beaucoup, merci, répondit-elle avec simplicité, avant de reprendre sa contemplation de la mer en face d’elle.

Elle m’agaçait prodigieusement. Sa désinvolture et ses touches de moquerie m’énervaient, et pourtant, j’étais incapable de lui dire de partir. Je la voulais à mes côtés.

Nous restâmes là, contemplant l’horizon en silence jusqu’au zénith. Thi se joua à nouveau de mon trouble apparent lorsque je remis mon pantacourt, m’observant de haut en bas sans la moindre gêne alors que je m’empêtrai. Ma chute dans le sable en un grognement mécontent la fit beaucoup rire, et j’essayai d’omettre combien j’avais aimé ce son tandis que je m’habillai.

Je fus la première à partir, et ce, sans un mot. J’ignorai si je la reverrais à nouveau, et c’est avec une pincée d’amertume que je m’éloignai, sa silhouette se découpant dans le ciel rougeoyant derrière moi.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité