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Petits écrits de la Main Gauche
Informations aux lecteurs

Samedi 18 novembre 2023 :

PUBLICATION DU TOME 1 DE CAUGHT IN THE MIDDLE LE 18 NOVEMBRE 2023
Pour s'y retrouver avant la lecture : Avant-Propos The Legend Of Zelda

- Caught in the Middle (fanfiction du jeu Zelda Breath of the Wild) =>
T2 achevé ; T3 en cours d'écriture.

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10 juillet 2015

Le Bunker - Chapitre 07

_ Tu devrais mettre de la crème solaire.

La voix rauque qui retentit à mes côtés me fit sursauter alors que j’étais presque assoupie sur la plage quasiment déserte. Je tournais la tête vers Thi, qui avait repris sa place de la veille, assise dans le sable en toute insouciance. Ses cheveux bruns s’échappaient en mèches folles le long de son visage au gré du vent, son sourire amusé bien dessiné sur ses lèvres. Je tentai d’occulter fermement combien elle était attirante.

_ On ne t’a jamais appris à dire bonjour, comme toute personne civilisée ?

_ Qui te dit que je suis civilisée ?

Je soupirai, refusant de rentrer dans son jeu. Je me rendis compte que mon corps, bien qu’éveillé du simple fait de la proximité de Thi, semblait plus apaisé qu’à nos précédentes rencontres. Comme s’il commençait à s’habituer à sa présence. Peut-être suffisait-il simplement de ça, finalement. Je tournai la tête pour la reposer dans l’autre sens, lui signifiant clairement que je ne répondrai pas à ses piques, et la déposai sur ma serviette brûlante.

_ Tu devrais mettre de la crème solaire, répéta-t-elle.

Un brin agacée et amusée, je me redressai à nouveau, braquant mes verres teintés sur son visage.

_ Le ciel est couvert, rétorquai-je. Même s’il fait suffisamment chaud pour être en maillot, je ne risque rien.

_ Ah, ces touristes ! s’exclama-t-elle d’un ton désespéré. Les nuages n’arrêtent pas les UV tu sais, ils sont juste moins forts. Ça n’empêche certainement pas les coups de soleil, au contraire, c’est plus dangereux vu que tu ne te méfies pas.

Je haussai les épaules.

_ Je n’ai pas l’intention de rester toute l’après-midi non plus.

Je me réinstallai confortablement, la discussion étant close me concernant. J’entendis distinctement du mouvement à mes côtés, et m’efforçai de ne pas bouger. Thi partait probablement comme elle était venue, subrepticement et sans un mot. Même si j’avais voulu la retenir, je savais qu’elle ne me laisserait certainement pas cette latitude. Elle me faisait penser à ces chevaux sauvages, perdus dans les marais de Camargue. Ce n’était pas l’humain qui apprivoisait le cheval, mais l’inverse. Et en l’occurrence, me voilà reconvertie en gardian.

Je poussai un cri surpris en sentant quelque chose de désagréablement froid se répandre entre mes omoplates. Je me redressai instinctivement sur les coudes pour apercevoir Thi, un air sérieux sur le visage, accroupie à mes côtés, un tube dans les mains.

_ Mais qu’est-ce qui te prend ? m’exclamai-je, abasourdie.

_ Je te sauve la vie. Reste tranquille.

_ T’as fouillé dans mon sac ? fis-je, outrée.

_ T’inquiète pas, dit-elle avec nonchalance, je ne dirai rien sur ta collection de sextoys.

Je n’eus pas l’occasion de répondre avec l’acidité que je lui destinais. Elle entreprit de masser l’ensemble de mon dos sans me demander quoi que ce soit, interférant le cours de mes pensées. Ses gestes étaient doux, beaucoup trop doux. Je fermai les yeux sous la caresse de sa peau sur la mienne, tentant de réguler les battements de mon cœur qui s’étaient affolés. Autant pour l’apaisement du corps. Derrière mes paupières fermées, je m’acharnai à repousser les images de mes rêves précédents du mieux que je pouvais.

_ Evidemment, c’est avec ta peau hâlée dès la naissance que tu peux donner des conseils de bronzage, grommelai-je en enfonçant mon visage entre mes bras croisés, m’acharnant au plus parfait self-control.

_ Ce n’est pas parce que je suis originaire d’Afrique du Nord que je ne risque pas de me prendre un coup de soleil.

_ On n’en meurt pas aux dernières nouvelles, rétorquai-je.

_ Non, mais du cancer de la peau, si. Et tu serais beaucoup moins jolie avec des taches brunes sur tout le corps.

Je sentis une chaleur qui n’avait rien à voir avec le soleil envahir mes joues. Et elle ne fit que s’accentuer lorsqu’une phrase s’échappa de mes lèvres avant que je ne pus la retenir.

_ Alors comme ça tu me trouves jolie…

_ Je suis pauvre et sans logement, répondit-elle comme une évidence, mais je ne suis pas aveugle.

Je fermai les yeux en un grognement lascif que je fus incapable de contenir alors qu’elle s’appliquait à me masser les épaules. Je n’avais pas besoin de me retourner pour voir le sourire goguenard qui s’était immanquablement affiché sur les lèvres de Thi. Je sentis ses mains descendre sur mes hanches, glissant plus que de raison sur ma chute de reins. Cette fille allait me tuer.

Je ne sus si je fus soulagée ou désespérée lorsqu’elle s’arrêta. Le silence nous nimba quelques instants, pendant lesquels je m’employai à recouvrir l’ensemble de mes facultés mentales. Je me rendis alors compte que je n’en savais toujours pas plus sur l’objet quotidien de mes pensées. Or, c’était la moindre des choses. Elle venait à moi d’elle-même, je devais en profiter.

Aussi, je tournai la tête vers elle, la reposant confortablement dans le creux de mes bras. Je restai quelques minutes à l’observer tandis qu’elle contemplait le sable glissant entre ses doigts.

_ Qui es-tu ? finis-je par murmurer.

Elle tourna son regard vers moi, brûlant la moitié de ma peau au passage. Mon cancer, c’était elle, le soleil ne m’était rien.

_ Je te l’ai dit, je suis Thi. Thi la SDF. Rien de plus, rien de moins.

_ C’est ça, tu es née par l’opération du Saint Esprit, et depuis tu erres sur Terre sans but et sans avenir…

_ Quelque chose dans ce gout-là.

Je soupirai en me relevant afin de m’assoir sur ma serviette. Je farfouillai un instant dans mon sac, pour y trouver mon petit vice racheté la veille.

_ Tu en veux ? demandai-je en lui tendant le paquet de cigarettes.

Elle s’en saisit d’une sans un mot, ce qui m’agaça un peu.

_ C’est vrai, tu n’es pas civilisée, grommelai-je en allumant ma cigarette dans le creux de mes mains.

_ C’est pas faute de t’avoir prévenue.

Je levai les yeux au ciel en constatant qu’elle n’avait visiblement pas l’intention d’en dire plus.

_ C’est pas vrai, t’es pire qu’une huître ! m’exclamai-je.

Elle tira sur sa cigarette lentement, laissant le silence s’installer quelques instants, uniquement brisé par le rythme lancinant des vagues léchant le sable.

_ Pourtant, on m’a juré que j’étais née l’année du lièvre.

_ Arrête de plaisanter, lui ordonnai-je. Réponds-moi, qui es-tu ?

J’écrasai mon mégot dans le sable d’un geste rageur, exaspérée du mystère qu’elle maintenait comme un voile opaque autour d’elle. Elle se releva alors, s’étirant comme un chat sous mes yeux éberlués. Elle allait vraiment me planter là ?

_ Attends, tu ne vas pas partir comme une sauvage encore ! Je suis sûre que Thi n’est qu’un diminutif, en plus.

Elle se pencha sur moi, troublant mes pensées lorsque sa joue effleura la mienne, ses lèvres collées à mon oreille.

_ T’as raison, c’est le diminutif d’E.T.

Elle déposa un baiser appuyé sur ma joue et se redressa, l’air innocent, le sourire aux lèvres.

_ Passe une bonne soirée, Léa.

Encore abasourdie et frissonnante de la sensation de ses lèvres sur ma peau, je restai à fixer sa silhouette qui s’éloignait doucement vers les dunes, où elle disparut de ma vue.

Cette fille allait me rendre définitivement folle.

 

****

 

Thi se représenta sur la plage tous les jours suivants. Elle apparaissait comme ça, venant de nulle part, avant de disparaître aussi soudainement. Elle restait quelques minutes, une fois même près d’une heure, écourtant ses visites dès que je tentai d’en apprendre davantage sur elle.

Pour ma part, je n’attendais plus que ça. J’allais consciemment sur la plage jour après jour, guettant le moment où elle ferait son apparition à mes côtés. Dès lors, mon cœur se mettait à battre de plus en plus rapidement, et cette sensation me grisait.

Nos discussions relevaient davantage de la taquinerie ou de l’insouciance, vu qu’elle refusait de me donner le moindre accès à son histoire. Mais étrangement, je m’en contentai, tant qu’elle continuait à venir me voir. Même si j’ignorai totalement ce qu’elle attendait moi. Je savais qu’elle se jouait de mes réactions, et je savais que les rôles s’étaient largement inversés depuis notre première rencontre. Mais je ne parvenais pas à me passer d’elle, et de ces moments étranges et pourtant agréables que nous partagions.

Le vendredi après-midi, elle se tenait à mes côtés, assise dans le sable silencieusement, comme à chaque fois. Elle fut surprise de me voir me relever aux quatre heures tapantes, un de ses sourcils étant relevé bien haut sur son front.

_ Ben alors, tu ne restes pas faire bronzette aujourd’hui ?

Je secouai la tête en ramassant ma serviette, tentant d’oublier la morosité que je ressentais de la laisser si rapidement.

_ Marc revient ce soir, répondis-je calmement.

_ Ah oui, le petit copain.

_ Le mari.

Je la vis s’arrêter un instant, m’observant de haut en bas tandis que je repliai ma serviette, occultant l’intensité de son regard dans un coin de mon cerveau.

_ Quoi ?? demanda-t-elle d’un ton légèrement plus aiguë.

_ Le mari. Marc est mon mari. Tu n’as pas vu mon alliance ? fis-je en lui montrant l’annulaire où siégeait en permanence le petit anneau argenté.

_ Non, ce ne sont pas tes mains que je regarde en priorité.

Je refusai de répondre à ce nouveau sous-entendu de sa part et me contentai de continuer à rassembler mes affaires. Lorsque je me redressai avec tout mon barda sur les épaules, ce fut pour apercevoir un sourire moqueur dessiné sur les lèvres de Thi tandis qu’elle regardait fixement la mer.

_ Qu’est-ce qu’il y a ? l’interrogeai-je, curieuse de sa réaction.

_ C’est de mieux en mieux !

_ Quoi ???

Elle se releva gracieusement, époussetant le sable qui collait à ses vêtements. Elle se dirigea alors vers moi sans se départir de son sourire, et déposa sa légère bise rituelle sur ma joue.

_ Oublie. Passe une excellente soirée avec ton mari. 

Elle partit sans se retourner, me laissant à nouveau en plan sur la plage sans comprendre ce qu’il s’était passé. Lorsque mes yeux se posèrent inconsciemment sur sa chute de reins, je sentis un frisson bien particulier me traverser. Je fermai les yeux, désespérée en m’apercevant que rien ne semblait parvenir à me détacher de l’emprise de cette femme.

Je passai le reste de l’après-midi aux fourneaux. Je me noyai dans mes livres de cuisine pour ne pas penser, pour ne pas me laisser étreindre par l’angoisse grandissante que je sentais en mon sein. Je ne devais plus songer à elle, je devais redevenir l’épouse aimante que j’avais toujours été. Et l’oublier définitivement.

En fin d’après-midi, je montai me doucher et me changer. Je me maquillai, tentant de paraître la plus séduisante possible aux yeux de mon mari. Marc ne devait rien savoir. Ce sera mon secret, à jamais enfermé à double tour dans ce fameux bunker.

Je retouchai une dernière fois mon mascara quand j’entendis la voiture sur les graviers, faisant sombrement remonter mon angoisse dans ma poitrine. Il était là.

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Commentaires
E
J’adore !! C’est vraiment top !!!
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V
Il est génial ce récit<br /> <br /> c'est si bien écrit... j'adore!
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